IRÈNE
Évocation d'une femme disparue: entre pudeur et manque
Suite à la mort de sa grand mère, Germaine, le réalisateur Alain Cavalier redécouvre les carnets qui servirent de journal intime à Irène, entre 1970 et 72…
Alain Cavalier, surtout connu pour "Thérèse", réalise depuis quelques années des documentaires inspirés (« le filmeur »). Le voici qui évoque ici, de manière très personnelle et limite impudique, les sept derniers mois de celle qu'il a un jour aimé, et qui a partagé sa vie. Car au travers de ses lectures et de ses errances dans les lieux d'un passé devenu lointain, le réalisateur reconstitue des moments d'intimité ou de souffrance, qui en disent beaucoup sur la souffrance de la femme, et les tourments liés notamment à la stérilité. Avec complicité, Alain Cavalier invite ainsi le spectateur dans ses souvenirs, mais aussi ses fantasmes.
On notera ainsi d'amusants dialogues avec une Sophie Marceau rêvée, dont il s'imagine le père, ou l'éprouvante évocation poétique du corps d'une Irène accidentée, à l'aide de boules argentée et de cailloux savamment ordonnés sur le lit d'une chambre d'hôtel chargée de souvenirs. On s'étonnera de la puissance de représentation du cinéaste, toujours envisagée avec légèreté, basée sur des mises en situation simples, que permet aisément la caméra vidéo. Ainsi, entre le récit d'une vie quotidienne qui n'est plus, s'intercalent des moments clés, qu'il s'agisse du passé avec des envies avortée (comme faire un film sur elle) ou de douloureux souvenirs (l'accouchement aux forceps, mimé à l'aide d'une pastèque et d'un oeuf....), ou d'un présent où l'âge se fait cruellement sentir (voir l'accident en filmant dans les escalators...).
En quelque sorte "Irène" est un film testament, où l'important est de dire l'autre, de raconter celle qui n'est plus, et à quel point l'homme était attentif à elle. Par amour, tout simplement. Et parce qu'il y a des souvenirs si importants, qu'ils ne s'estompent jamais.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur