INTRUDERS
La transmission de la peur
Après avoir été remarqué pour son sens du suspense avec « Intacto », drame lynchien situé dans les îles Canaries, le réalisateur espagnol Juan Carlos Fresnadillo a confirmé son talent dans un tout autre genre, le film de zombies, en signant l'apocalyptique suite à « 28 jours plus tard », « 28 semaines plus tard ». Le voici aujourd'hui qui confirme son goût pour le genre fantastique, avec un film qui fit l'ouverture du dernier Festival de San Sebastian. Une œuvre placée sous le signe du frisson, dotée d'un casting américano-européen quatre étoiles : Clive Owen, Pilar Lopez de Ayala, Daniel Brühl, Carice Van Houten et la jeune Ella Purnel.
Partagé entre deux histoires, l'une située en Espagne (à Madrid), l'autre en Grande-Bretagne (à Londres), le récit se focalise sur les supposés cauchemars que font deux enfants, Juan, 7 ans, et Mia, adolescente, tous deux persuadés qu'une créature sans visage a pénétré dans leur maison qui n'en ressortira qu'une fois obtenu ce qu'elle est venue chercher. Posant d'emblée l'importance du conte, de ces histoires que l'on raconte aux enfants pour les aider à dormir ou leur éviter la peur du noir, le scénario brouille rapidement les pistes entre réalité et visions, et ménage pendant longtemps le suspense du lien entre les deux histoires.
Si le réalisateur réussit dans un premier temps à construire une ambiance pesante autour des deux duos, avec pour la mère et le fils espagnols, une créature flottante et une pluie omniprésente, et pour le père et la fille anglais, une sorte d'inquiétant épouvantail à tête de ballon de basket, le scénario ne tient cependant pas la distance. Le début était donc prometteur, la menace sur les deux enfants augmentant crescendo, mais la suite souffre de l'irruption ridicule de plusieurs personnages secondaires, chargés de lancer quelques fausses pistes. Ainsi le personnage du prêtre interprété par l'allemand Daniel Brühl (décidément abonné aux films espagnols, après « Eva », présenté à Venise), est des plus inutiles, dans ses efforts pour tirer l'histoire vers des questions de possession. Tandis que celui de la psychiatre pour enfants (Kerry fox) ne fait que rajouter à une confusion qui nous éloigne des personnages.
Ainsi, on aurait bien aimé s'intéresser un peu plus aux caractères des parents. Mais l'esquisse du secret qui chapeaute le tout fait progressivement basculer le film dans une fable improbable et répétitive sur la transmission de la peur, qui montre que l'auteur ne sait pas très bien sur quel pied danser. Le comble est que cette peur, centre du récit, s'efface paradoxalement pour le spectateur, de manière progressive au fil du film.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur