L’INTERVALLO
Une journée entre parenthèses
« L’Intervallo » fait partie de ces petits films sans prétentions découverts en festival et qui bénéficieront certainement quelques mois plus tard d’une sortie confidentielle ou bien, dans le pire des cas, d'aucune sortie du tout. Il s’agit pourtant là d’un film tout à fait charmant, se concentrant sur deux adolescents, l’un ayant 17 ans, garçon rondelet taciturne qui se retrouve malgré-lui geôlier d’une gamine de 15 ans, espiègle et versatile. C’est un homme de mains de la Camorra qui les a réunis, sans leur demander leur avis, dans cette immense bâtisse qui fera office, le temps d’une journée, de prison.
« L’Intervallo » est un film patient, qui prend le temps de mettre les éléments de l’histoire en place. Le réalisateur, Leonardo Di Costanzo, peut se le permettre puisque le nombre de péripéties est encore moins élevé que le nombre d’acteurs embauchés pour le film. Jusqu’ici cantonné aux documentaires, le réalisateur italien parvient à filmer l’ennui de ces jeunes sans pour autant le générer chez le spectateur. Ceci est premièrement dû à l’installation minutieuse et lente d’une relation d’abord conflictuelle puis complice. Écartés de leurs quotidiens respectifs où ils sont chacun sous l’emprise des adultes (Veronica avec la mafia et Salvatore avec son père), les deux adolescents vont se découvrir et se laisser aller à rêver dans cet immeuble désaffecté entouré d’une jungle luxuriante en plein Naples. C’est aussi grâce à ce singulier troisième personnage, sorte de palais en ruines, que le film conserve son charme si insaisissable. Di Costanzo l’utilise et le filme d’une manière si sensuelle et délicate que cet édifice devient l’une des parties intégrantes de l’histoire. Et nul doute que si l’action s’était passée dans un lieu plus commun, « L’Intervallo » n’aurait pas déployé la même puissance.
En somme, le film de Leonardo Di Costanzo repose sur très peu de choses et le scénario ne fait pas partie des piliers. Ce sont en premier lieu ses deux jeunes acteurs, Carmine Patermoster et Salvatore Ruocco, qui rythment le récit grâce à leurs jeux sensibles et emplis de véracité. Il y a enfin beaucoup d’atmosphère dans « L’Intervallo » qui rend le tout si envoûtant. La suprématie de la mafia, véritable gangrène de la ville, est omniprésente sans pour autant être visible, mais elle n’empêche pas la candeur de l’adolescence de se révéler dans ce lieu si singulier et magique.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur