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LES INSURGÉS

Un film de Edward Zwick

Requiem pour un massacre

En 1941, les armées d’Hitler envahissent l’Europe. Leur implacable progression coûte la vie à des millions de juifs. Pour trois hommes, cette tragédie marque le début d’une guerre dans la guerre. Lorsque leur petit village d’Europe de l’Est est envahi, les frères Bielski se réfugient dans une profonde forêt qu’ils connaissent depuis leur enfance. Ils se contentent d’abord de survivre mais la rumeur de leur exploit se répand et d’autres les rejoignent, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, prêts à tout risquer pour rester vivants et libres…

Cinéaste inégal, capable du meilleur ("Couvre-feu" et sa politique-fiction audacieuse, "À l'épreuve du feu") comme du pire ("Légendes d'automne" et sa mièvrerie horripilante, "le Dernier samouraï" et son Tom Cruise des mauvais jours), Edward Zwick n'a jamais été reconnu comme un réalisateur de renom, la faute à une alternance entre bons et mauvais films assez rédhibitoire. Le voir au commande d'une œuvre aussi puissante et mémorable que "les Insurgés", et ce tout juste deux ans après son formidable thriller africain ("Blood Diamond", un chef-d'œuvre !), est donc une véritable aubaine.

Drame guerrier au réalisme bienvenu, "Les Insurgés" impose dès son ouverture son parti-pris antispectaculaire au possible. Entièrement tournée vers des interprètes fiévreux et impliqués (Daniel Craig, bien sûr, mais surtout le magnifique Liev Schreiber, au charisme léonien), la mise en scène de Zwick épouse les ressentiments de ses protagonistes, cadrant avec justesse les émotions d'hommes et de femmes pour qui la survie tient lieu de sacerdoce.

Aidé par une photographie crépusculaire et une partition toute en subtilité du grand James Newton Howard (qu'on n'a pas connu aussi inspiré depuis "Le Village" de Shyamalan), le cinéaste s'attarde sur les visages et les corps d'êtres marqués par la faim et l'espoir, évitant dès lors tout sentimentalisme hollywoodien déplacé, retrouvant même, dans le regard d'innocence d'un enfant confronté à l'horreur l'impact du traumatisant "va et regarde" (aka "Requiem pour un massacre") d'Elem Klimov.

Mais en technicien chevronné, Zwick n'oublie jamais qu'il réalise un film de guerre, faisant la part belle dans son récit à d'efficaces (et nombreux !) affrontements armés, dont la violence et l'absence totale de lyrisme renvoient au monumental et définitif "Croix de fer" de Sam Peckinpah, alors que les images iconiques des frères Bielski, qu'ils soient montés sur un cheval blanc ou sur un tank détruit, délivrent un romantisme guerrier hérité de John Milius, père spirituel du cinéaste : Zwick filme des soldats, certes, mais il filme surtout des Hommes, des braves et des courageux, de ceux qui préfèrent lutter plutôt que de subir (en ce sens, le personnage de DiCaprio dans "Blood Diamond" préfigure à lui-seul les personnalités des quatre frères Bielki).

Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur

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