LES INNOCENTES
Une histoire puissante au traitement trop lisse
Basé sur le journal de Madeleine Pauliac, résistante et médecin de l’hôpital français de Varsovie au moment de l’après seconde guerre mondiale, "Les Innocentes" est un drame intense et éminemment tragique sur un épisode grandement méconnu. Mathilde Beaulieu (Lou de Laâge) est chargée de soigner les Français avant de pouvoir les rapatrier dans l’hexagone. Néanmoins, lorsqu’une religieuse polonaise vient lui réclamer son aide, la jeune française accepte de se rendre dans son couvent, où plusieurs nonnes essayent de dissimuler des grossesses non désirées.
Avec un tel postulat, le film aurait pu forcer le trait, sombrer dans le voyeurisme abject d’une situation qui se suffit largement à elle-même. Mais "Les Innocentes" est tout le contraire, une œuvre épurée, dépourvue de toute fioriture stylistique et profondément ancrée dans un minimalisme saisissant. Néanmoins, le métrage est peut-être trop austère, trop dénué de grammaire cinématographique, au point de devenir incapable de transmettre la moindre émotion. Enfermé dans un carcan académique, ce drame soigné se regarde de loin, s’apprécie uniquement dans l’atmosphère retranscrite, les faiblesses scénaristiques reléguant les enjeux au second plan.
Entre les questionnements intimes, les souffrances des religieuses et les balbutiements du personnage principal face à sa hiérarchie, la caméra d’Anne Fontaine hésite. Et comme si elle ne savait pas comment amener les faits exposés vers la bestialité de la réalité, la cinéaste préfère émettre un jugement sur ces femmes de foi et ankyloser son intrigue dans une romance sans envergure. Dommage car le talent de Lou de Laâge, solaire et envoûtante, aurait mérité un rôle mieux esquissé. Dommage aussi car le potentiel de l’histoire laissait espérer une puissance émotionnelle bien plus forte. Dommage enfin de devoir se contenter d’un résultat intéressant lorsque l’on était en droit d’attendre une fresque passionnante…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur