IN FABRIC
Et si Christine était une robe ?
Suite à la mort du modèle qui l’a portée, une robe de retrouve en la possession d’une mère de famille fraîchement séparée qui l’achète pour un premier rendez-vous. Elle arrive ensuite chez un jeune coupe. C’est lui qui l’a met d’abord, puis elle. La robe semble toujours provoquer d’étranges réactions sur le corps de ses propriétaires et être dotée d’une volonté propre…
"In Fabric" est un film paradoxal. Il aborde à la fois le fantastique très frontalement, de manière un peu cheap parfois, avec des effets visuels qui rompent la suspension d’incrédulité. Mais c’est aussi un film qui s’inscrit dans un univers très réaliste. La lumière traduit assez bien ce gap. Certains moments sont presque naturalistes, alors que d’autres ont des effets de couleurs et de textures très travaillés. Cette différence de traitement, et de style, si elle fait sens dans les passages entre le fantastique, souvent un peu cheap, et la « réalité », ne trouve parfois pas de justification dans les scènes avec les managers par exemple.
"In Fabric" est également un film paradoxal dans son ton. Le film oscille entre l’expérience sensorielle à la limite de l’hermétisme pour tout ce qui se passe dans l’étrange magasin, des scènes intimes sur la vie d’un couple ou d’une mère de famille qui peine à se reconstruire après que son mari l’ait quittée, et des scènes à l’humour très anglais, pince sans rire et distancié. Ces ruptures de ton, qui pourraient être bienvenues, accentuent plutôt le manque de cohérence du film en en faisant une sorte de patchwork cryptique.
Les personnages n’ont pas vraiment de motivation, ou rien qui ne les dépassent eux-mêmes. Le rapport avec la robe, entité centrale du film, est toujours accidentel et n’établit pas de relation entre eux. Le pire semble-t-il, est que la robe change de propriétaire au bout d’une heure et quart sur moins de deux heures de film. Une nouvelle histoire commence, sans que l’ensemble des arcs narratifs de la précédentes aient été résolus, et sans que les nouveaux acquéreurs aient quoi que ce soit à voir avec les anciens.
Sans message apparent, ce film, Prix du jury aux Hallucinations Collectives 2019, qui pourrait être conçu comme une réflexion sur le langage et la communication entre les êtres dans une société pré-internet où les échanges commencent déjà à se complexifier, manque un peu de profondeur et de pertinence. Cependant la note attribuée se justifie par une véritable recherche formelle et des scènes étranges et ésotériques bien gérées dans un magasin qui semble tout droit sorti d’un Mario Bava, avec une Fatma Mohamed aussi bizarre que possible.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur