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THE IMMIGRANT

Un film de James Gray

Une élégance qui ne pallie pas le manque d'émotion

En 1921, une jeune immigrée polonaise débarque aux États-Unis. Passant les contrôles usuels sur l'île d'Ellis Island, elle se retrouve séparée de sa sœur, malade de la tuberculose, qui va devoir passer 6 mois en quarantaine. Accusée de petites mœurs lors du trajet en bateau, elle risque elle-même d'être expulsée. C'est alors qu'un homme qui se prétend chargé d'une mission d'aide aux voyageurs, lui propose de l'héberger en l'échange de travaux de couture...

Il serait facile de reprocher au nouveau film de James Gray d'être à nouveau une histoire de triangle amoureux (après son formidable "Two Lovers", où un homme hésitait entre deux femmes représentant deux idéaux opposés), et de ne pas disposer de réelles envolées dramatiques. Mais il faut bien avouer que la mécanique de "The Immigrant" est formidablement bien huilée. Et que l'auteur sait aller au bout de son propos sur la volonté de survie. Car c'est non seulement de la lutte d'une femme pour faire libérer sa sœur qu'il s'agit ici, mais aussi d'une puissante histoire de résistance face à des hommes oppresseurs, et à une société qui fait bien peu de cas des migrants, et des femmes en particulier.

Avec justesse il fait s'interroger son personnage, se demandant s'il c'est « un pêché d'avoir voulu survivre », à n'importe quel prix, avant de lui faire dire plus tard qu'elle, comme sa sœur n'est « pas rien ». James Gray sait ainsi mettre en valeur cette femme courageuse, interprétée par une Marion Cotillard à la limite de la perfection. Reconstituant son arrivée et ses déboires sur l'hostile sol Américain, il montre sa capacité à faire le dos rond et à ne jamais dévier de son objectif. Sans faire de drame excessif, en ravalant en permanence sa fierté, elle finira par livrer ses motivations, lors d'une émouvante scène de confession, traduisant l'essence même de sa démarche, qui constitue le point d'orgue du film, avec l'affrontement attendu des deux hommes.

James Gray, lui, nous livre une reconstitution impressionnante du New York des années 20, ainsi que quelques plans sublimes et sombres, et dirige à merveille son trio d'acteurs. Ballottée entre deux hommes, pris au piège de sa douce beauté, on tremble en permanence pour Marion Cotillard, fébrile et volontaire, en se demandant si cette sœur à la libération tant espérée est bien toujours vivante. Joaquin Phoenix se transforme peu à peu, laissant poindre une terrible détresse. Tandis que Jeremy Renner incarne un espoir teinté d'illusion. Si le film n'a finalement pas eu les faveurs du jury cannois, il pourrait bien faire son petit bonhomme de chemin dans les salles, sans pour autant espérer se retrouver aux prochains Oscars, malgré son sujet universel, puisque la date de sortie américaine a été repoussée à l'an prochain.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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