I'M STILL HERE
Quand J.P. dérape !
Casey Affleck, le discret frère de Ben, reconnu depuis ces trois dernières années pour ses irréprochables performances d'acteur (« L'assassinat de Jesse James »), serait-il amateur de docu-fiction? C'est ce qu'on est en droit de se demander à la vision de ce documentaire sur la carrière, même pas débutée, de Joaquin Phoenix en tant que rappeur.
Mis à nu dès les vingt premières minutes, "I'm still here" est un évident faux documentaire sensé suivre le suicide artistique de Joaquin Phoenix dans une quête de rimes assez foireuses. Entre un "La vie de Michel Muller" et un "Spinal Tap", on y découvre les déboires et autres dérapages de mauvais goûts, en public comme en privé, de l'acteur en complète décadence. Drogues, putes et "fuck" dans tous les sens, Joaquin Phoenix est hilarant d'irrévérences envers le monde du cinéma. Affublé d'une barbe de vieux marin et d'une improbable coupe de cheveux, l'acteur se donne à fond dans ce rôle de piètre rappeur, totalement à coté de la plaque. Les fans de l'acteur risquent de mal supporter ses frasques le ridiculisant lors de situations bien embarrassantes, tel un loser qui loupe absolument tout. Véritable risée d'Hollywood, d'une extraordinaire maladresse devant P. Diddy, J.P. (de son petit nom de scène) fonce tête baissée dans l'auto-dérision, offrant une véritable performance d'acteur 24/7.
Ses dérapages télévisés dans divers talk-show américains, qui ont été relayées par les médias du monde entier, sont bien sûr allègrement exploitées, véritable pain béni pour Casey Affleck. On y redécouvre notamment comment il a ruiné la promo de "Two Lovers"; les journalistes posant plus de questions sur son soudain revirement que sur le film de James Gray. Malgré tout, le hoax ne tarde pas à être démasqué et la rumeur du coup de pub pour le docu d'Affleck circule à toute allure. On peut saluer le fait que les trois complices (Affleck, Phoenix et Pete Coffin) s'en donnent à cœur joie pour nous concocter des disputes et autres crasses à foison. Puis le tout s'écroule peu à peu. La dernière demi-heure perd de sa vergogne pour s'apitoyer sur Phoenix, comme si le subterfuge n'avait pas été découvert (surtout que l'acteur l'a confirmé deux semaines après la première de Venise dans le show de Letterman). Celle-ci s'avère être superflue et rallonge un faux documentaire, qui aurait bénéficié à garder son coté trash, au lieu de verser dans le pathos inconvenant.
Ceci dit, en sortant de la salle, on ne peut s'empêcher de se demander comment l'acteur sera perçu après s'être foutu du monde du cinéma de cette façon. L'étrange impression que le Phoenix a perdu quelques plumes à jouer le benêt reste bien présente. Mais il suffit de se remémorer ses formidables performances pour être certain qu'il saura, sans nul doute, renaître de ses cendres.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur