IL A DÉJÀ TES YEUX
Un intelligent point de départ
Depuis son tout premier film de réalisateur, en 2009, le comédien Lucien Jean-Baptiste, d'origine martiniquaise, s'est attaqué sur le ton de la comédie, aux préjugés touchant les gens de couleurs, mais aussi aux questions du rapport à la tradition. Après "La première étoile" sur les premières vacances à la neige pour des gamins de banlieue, il avait notamment réalisé "30º couleur" sur le retour au pays d'un homme ayant réussi en métropole. À chaque il avait fait mouche, sachant aborder avec un humour mordant, des problématiques peu évidentes, quel que soit le côté de la barrière où l'on se trouve.
Dès le début il annonce ainsi la couleur. Un simple dialogue du couple dans le lit lui suffit pour fustiger le politiquement correct, son personnage (il joue le rôle principal du mari) critiquant le fait d'appeler des noirs des blacks, pour éviter discrètement le qualificatif de couleur. Abordant ainsi une forme d'auto-censure exercée par les minorités elles-mêmes, le scénario enchaîne donc les situations qui peuvent créer la gêne, n'hésitant pas à mettre mal à l'aise toutes les parties, pour mieux servir son propos sur l'acceptation (voire la négation) de la différence. On passe ainsi du cabinet de la pédiatre, à la crèche, pour aller jusqu'au sein même de la famille, où les questions de tradition émergent.
Si la comédie inversant les codes fonctionne parfaitement, c'est avant tout grâce aux deux principaux acteurs, tous deux impeccables. Lucien Jean-Baptiste joue ainsi un père à la fois solide et rassurant, quant à Aïssa Maïga elle interprète la mère de famille, désemparée lorsqu'on menace de lui prendre son enfant. Si l'on ajoute le délicieux rôle de la grand-mère, en crise de panique permanente, le cul entre deux chaises (rejet de la différence et amour maternel), on dispose ainsi des clés d'une vraie comédie. Dommage que celle-ci verse tout à coup dans la pantalonnade sur la fin, lors des scènes à l'hôpital, donnant malheureusement l'impression d'une certaine difficulté à trouver une conclusion plausible à cette sympathique histoire de parents aimants.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur