IDA
Austère sur la forme, insignifiant sur le fond
Il y a un double piège qui menace souvent la plupart des films avec un titre-prénom aussi imposant et un synopsis aussi précis : d’abord que le personnage doté de ce prénom ne prenne qu’une importance trop relative sur l’ensemble du métrage, ensuite que le film se contente d’illustrer son scénario de façon trop prévisible, pour ne pas dire fainéante. Dans le cas d’"Ida", pourtant auréolé d’une très belle réputation, la théorie se vérifie à nouveau. Le scénario semble bel et bien se construire comme une enquête menée à deux visages, l’enquêteur expérimenté d’un côté (Wanda), le novice candide de l’autre (Ida). Hélas, comme le premier prend l’avantage sur les trois quarts du film et que le second se retrouve relégué au rang de satellite passif dans un coin du cadre, le film de Pawel Pawlikowski fait d’emblée preuve d’un souci d’orientation. Durant toute cette période du métrage, Ida n’existe pas et on attend patiemment que son enjeu principal, pour le coup assez faible en termes de suspense (trouver l’endroit où ses parents ont été enterrés), puisse enfin acquérir une résonance inédite. Et lorsque l’enjeu sera enfin résolu, on aura tout le loisir de se demander : « Tout ça pour ça ? ».
D’une banalité assez insignifiante sur le fond (au vu du sujet et du contexte, c’est tout de même assez effarant), "Ida" semble faire du surplace en oubliant de traiter ce qui semble être son sujet principal. La mise en scène n’est d’ailleurs pas là pour nous impliquer dans l’intrigue, tant elle ne privilégie que les plans fixes (très beaux, cela dit), le tout dans une image austère au format 1.33 et une Pologne grise filmée comme chez Bela Tarr. Mais voilà, les vingt dernières minutes vont sauver tout le film : dès l’instant où il se débarrasse enfin de l’aspect policier du récit, Pawlikowski redonne l’avantage à Ida, laquelle tente alors de résister à sa condition de nonne en se laissant séduire par un jeune saxophoniste croisé dans une soirée. Le temps d’une courte discussion où se multiplie les « Et après ? », tout espoir de fuite s’écroule, et ainsi, le retour en arrière s’impose dans un plan final stupéfiant : Ida marche sur une route où les voitures roulent dans le sens opposé. Cette fois-ci, la caméra est en mouvement. Son personnage avance, déterminé, sur une musique de Bach (récemment exploitée dans le premier volet de "Nymphomaniac"), comme absorbé par une seule envie : échapper à ce monde médiocre et guetter un éventuel au-delà. Pour le coup, l’émotion nous submerge, hélas un peu tard. On espérait beaucoup plus, mais c’est déjà ça de pris.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur