ICI ET LÀ-BAS
Un équilibre précaire entre critique des préjugés raciaux et clichés régionaux
Pour obtenir sa promotion, Sékou, alias Cédric, excellent commercial parisien, se voit contraint par sa patronne d’aller démarcher sur le terrain différents producteurs afin qu’ils intègrent sa marque de produits locaux de qualité : « Terroirs de nos régions ». Mais doit aussi accueillir un cousin qu’il ne connaît point, Adrien, renvoyé en France pour des problèmes de visa, alors qu’il vivait depuis 15 ans au Sénégal et attend un enfant avec sa compagne Aminata. L’idée germe alors dans sa tête, pour éviter les préjugés liés à sa couleur de peau, de faire passer Adrien pour lui, et de prétendre être son assistant. Il embarque alors Adrien sur les routes des régions de France…
Le nouveau film de Ludovic Bernard ("L'Ascension", "10 jours sans maman") démarre dans les couleurs des villages et des plages du Sénégal, auprès d’Adrien, un homme blanc qui vit ici depuis 15 ans, tient un restaurant, et est sur le point d’avoir un enfant avec sa compagne. Mais comme la France vient d’annuler tous les visas sénégalais, par principe de réciprocité, le sien est aussi annulé et il se retrouve à être rapatrié en France. Un point de départ sympathique, inversant la logique majoritaire, avec un personnage qui n’aura de cesse de chercher à avoir des papiers sénégalais. Un rôle porté avec dynamisme par Hakim Jemili, comédien de stand up et véritable révélation du film.
Puis le principe des préjugés de races prennent le pas, dans un scénario cosigné par Sarah Kaminsky ("La Tresse", "Un petit Miracle" et le malheureux "Les Chèvres !") et Kamel Guemra ("Tout Simplement Noir", "C'est tout pour moi") dont les rouages sont finalement proches de ceux qui s'exerçaient dans "Jumeaux mais pas trop" (un tandem blanc / noir). L’intrigue bascule donc du côté français, avec Cédric, un commercial noir (Ahmed Sylla, toujours en forme) obligé d'aller sur le terrain pour conserver son poste, et flanqué de ce cousin blanc déterminé à retourner vivre au Sénégal. Et bien entendu se passe ce que Cédric avait pressenti : c’est Adrien qui est pris pour le commercial, et lui pour son assistant. Une situation qu’il va supporter, même encourager, afin de ne pas perdre son avance sur son concurrent (Hugo Becker, assez caricatural dans sa fourberie).
Si l'inversion des repères fonctionne globalement assez bien, soulignant au passage la manière dont chacun, malgré son ressenti intérieur, peu contribuer à colporter les clichés ou les comportements racistes, le parcours, en format road-movie, des Régions françaises, ne sort lui pas réellement des clichés, entre malbouffe et produits locaux, comme en termes de traditions. Restent un personnage de confiturière qui ne s’en laisse pas compter, une scène très réussie où le plâtre d’un plafond vient changer la couleur de peau, une peinture pas fausse du Français usuel (chiant, faisant la gueule, et râleur), et quelques touches d’émotion sur la fin. Un buddy movie parfois poussif, dont le rythme épuise un peu, malgré un dénouement avec un message sur l'émancipation du regard des autres, qui passe par quelques belles répliques.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur