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I AM NOT A WITCH

Un film de Rungano Nyoni

Un conte cruel sur le pouvoir des superstitions

Sur un petit chemin, Shula, 9 ans, est au mauvais endroit, au mauvais moment, c’est-à-dire là où une dame trébuche et fait tomber son seau. Celle-ci vexée traite la petite fille de sorcière. Shula part alors re-remplir le seau pour le lui rapporter, mais il est trop tard, la petite fille est cataloguée. Elle va devoir choisir entre être une sorcière ou devenir une chèvre…

I am not a witch film image

Chez Haneke, le ruban blanc noué au bras des enfants sanglait leur innocence à une morale destructrice. Chez Rungano Nyoni, ce bout de tissu immaculé se fait plus long, plus rigide. Enroulé autour d’une grosse bobine, il asservit des femmes au nom de croyances ancestrales. Accusées de sorcellerie, elles nourrissent malgré elles les peurs et les superstitions. Ce paradoxe dangereux qui consiste à faire le mal pour faire triompher « le bien » est d’une violence extrême lorsqu’il est filmé de manière réaliste. C’est pourquoi, Rungano Nyoni choisit ici un autre angle pour aborder ce sujet douloureux. Entre comique et poésie, elle distille son message dans une troublante satire qui ne peut laisser indifférent.

Néanmoins, ce n’est pas la naïveté, ni l’ignorance des gens qui est montré du doigt dans cette histoire profondément injuste, mais la complaisance des gens de pouvoirs. Ces derniers, sous leur côté débonnaire ferment les yeux devant cette tradition aliénante pour pouvoir profiter de l’aspect sensationnel de la chose. Ces sorcières qu’on attache pour ne pas qu’elles s’envolent, sont aussi un phénomène qui rapporte. Outre les champs qu’elles doivent cultiver sans salaire en retour, ces femmes sacrifiées doivent poser pour les touristes ou, pire encore, faire sensation sur les plateaux télé.

Riche en métaphores et en symboles, "I am not a witch" séduit autant qu’il révolte. Il est une fable douce amère marquée par le regard indélébile de cette jeune actrice, qui incarne à lui seul, l’absurde tragédie destinée à ce personnage. Un premier film parfaitement maîtrisé qui confirme le talent esthète autant que narratif de sa réalisatrice. En effet, déjà maintes fois récompensée pour ses courts métrages, Rungano Nyoni fait une entrée remarquée dans la cour des grands et étoffe de son nom la liste encore trop courte des cinéastes africains présents sur les écrans internationaux.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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