HOST
Tenir son concept
Pendant le confinement, un groupe d’amies se retrouve pour une séance de spiritisme via Zoom. La réunion tourne au vinaigre quand l’une d’entre elles, en se moquant des esprits, ouvre la porte à un être tout sauf bienveillant…
Rob Savage nous livre, avec "Host", un film d'horreur radical extrêmement efficace qui tient son concept jusqu'au dernier instant. Il ne s'agit pas du premier film se passant en écran partagé, ni même le premier film d'horreur qui inclut ce procédé dans sa narration, mais ici, le réalisateur utilise tous les outils de l'application, ainsi que ses contraintes et le type de cadrage qui lui est propre, pour faire fonctionner l'horreur.
"Host" dure une cinquantaine de minutes car c'est la durée maximale d'une réunion Zoom pour celles et ceux qui ne possèdent pas de compte professionnel. Zoom offre également à ses utilisateurs la possibilité de porter des masques, ou de les faire apparaître à certains endroits improbables quand l'application bugue un peu, ce qui crée parfois des présences fantomatiques. Zoom permet également au participant de changer son arrière-plan par en une photo ou une vidéo qui ne prend pas en compte la profondeur de champ. Ainsi, quelqu'un qui se tiendrait trop loin de la caméra, avec ce type de filtre, disparaîtrait en quelque sorte. Zoom permet, selon les réglages, soit, d'obtenir une galerie où toutes les personnes connectées apparaissent dans des petites cases, soit une seule grande case pour celle ou celui qui est en train d'intervenir. Ces différents formats impliquent différents rapports à l'image et participent du caché-dévoilé cher à l'horreur, car il permet de créer du hors champ tout en maintenant une concomitance des actions. Enfin, Zoom permet de contrôler l'audio et la vidéo de chacun des participants, ce qui peut être un ressort très puissant en horreur, en ne donnant au spectateur que le son et pas l'image, ou inversement.
Pour Rob Savage, toutes ces contraintes sont des moyens et des opportunités dans la narration d'horreur. Les webcams ayant un angle réduit et un contraste peu important, il joue beaucoup sur les bords cadres et les zones d'ombre au cœur même du champ. Il joue également de la nécessaire fixité de la caméra, une fois qu'elle est posée, pour imposer un éloignement de l'action par rapport à elle. Des poses qui peuvent être les plus improbables, quand l'appareil tombe par exemple. Enfin, il se sert également des regards caméra pour transmettre les émotions avec un grande efficacité et pour orienter toujours l'action vers une direction : la caméra elle-même.
Pourtant, il subvertit les règles propres à la télécommunication, en rendant les dispositifs plus mobiles qu'ils ne le sont couramment. En effet, les femmes de "Host" bougent beaucoup avec leur ordinateur ou téléphone. Et elles ont toujours l'intelligence de tourner leur caméra vers ce qu'elles regardent et non vers elles-mêmes. Parfois même, elles parlent sans tourner la caméra vers elles, dans une sorte de vue subjective ou leur bras apparaissent au bord du cadre. On peut également noter un léger problème de temporalité entre le grand Soleil du début du film et la nuit noire de la fin, alors que moins d'une heure s'est passée, le film se déroulant en temps réel.
Peu vraisemblables, ces petits écarts sont facilement pardonnables dans cette narration qui fait beaucoup avec peu de choses, qui crée une réelle tension après avoir posé des personnages riches. Ce jeu de massacre, par un être du « plan astral » mal intentionné, auquel la technologie confère le don d'ubiquité, est une véritable réussite.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur