HONEYLAND
Fiction de réel
Hatidze vit en harmonie avec des abeilles, sa source de vie et de subsistance dans les ruines d’un village des montagnes. Mais un jour, une famille arrive et s’installe dans une ruine voisine, perturbant puis brisant le lien qu’elle avait créé avec les insectes…
La force de ce documentaire macédonien, nommé à l’Oscar du meilleur film étranger, est sa réalité. Sa puissance, et peut-être son point d'achoppement, est son côté fictionnel. "Honeyland" raconte une histoire, celle d'Hatidze, une femme sans âge qui s'occupe de ses abeilles et de sa mère, au milieu de nulle part, dans une terre oubliée. Alors que tout se passe pour le mieux dans son petit monde, qu'elle quitte parfois le temps d'une escapade au marché, arrive une famille de Turcs. Ils sont bruyants, ils font peur. Ils sont filmés de loin et la caméra se cache avec Hatidze quand ils arrivent et qu’ils s’installent. Pourtant, ils vont se montrer amicaux, intéressés, coopératifs, jusqu’à ce qu’elle leur montre ses abeilles et qu’ils y voient un commerce potentiel, jusqu’à ce que l’appât du gain ne les aveugle. Un appât qui n’est pas tant le leur que celui de la société en général, incarné en un homme profiteur qui vient soumettre le père de la famille turque.
Ce documentaire, très esthétique, pêche par tout ce qui semble joué. Ainsi, si certaines séquences, comme celle qui ouvre et ferme le film, une marche périlleuse en haut d’une crête qui conduit à la découverte des premières abeilles qu’Hatidze va visiter, semblent saisis sur le vif, la plupart des plans, par la justesse de leurs cadrages, par la pertinence des interactions et la force du sous-texte qu’ils véhiculent, semble tenir de la fiction et de l’écriture plus que du documentaire. Cet écueil passé, ce documentaire est une fable écologique extrêmement pertinente et efficace sur les dangers de la surconsommation et de la surexploitation des ressources d’un milieu, qui conduisent à son épuisement et à la mort des espèces.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur