HOLY LANDS
La grande histoire d’un éleveur de cochons en Israël
Une famille américaine vit sur trois continents : le fils et la mère à New York, la fille à Bruxelles et le père à Jérusalem où il élève des cochons, au grand dam du rabbin local entre autres. Leur communication est très hachée, voire inexistante, pourtant ils s’influencent les uns les autres, de loin en loin…
"Holy Lands" se présente comme un film choral où les personnages ne se retrouvent jamais et ne sont jamais dans un réelle communication. Ils se parlent par voix-off interposées ou soliloquent. S’ils se voient, c’est pas erreur, comme quand Harry appelle Monica en FaceTime. La communication est difficile et maintenue comme telle. Et la mise en scène participe constamment de cette mise à distance des corps et des êtres. Mais ce mutisme est un mutisme familial, car les personnages s’ouvrent tous à des personnages secondaires qui agissent comme des confidents, dévoilant ainsi, par une astuce théâtrale, leur intériorité au spectateur. Une intériorité que la voix-off avait jusqu’ici tue.
L’un de ces confidents est le personnage du rabbin Moshe Cattan, interprété par Tom Hollander, qui livre ici une très émouvante performance. On regrettera cependant que la relation entre, Harry, le Yankee westernien, éleveur de porcs et son antagoniste, Moshe, le rabbin progressiste, ne soit pas plus exploitée. Cela aurait permis de comprendre le parcours de cet homme qui a fuit sa terre natale et sa famille, sans passer par une voix-off qui ne résout finalement rien.
Au cœur du projet se trouve le postulat humoristique, proche du fait divers, qui donne son aspect de chronique au film : un américain, ancien médecin, vient vivre seul en Israël pour élever des cochons. Il s’installe à Nazareth, lieu où les trois grandes religions sont représentées et pour deux d’entre elles, la consommation de l’animal au sabot fendu est proscrite. Dès lors, le film pourrait prendre un tour très politique, à l’image d’une scène sur la frontière militarisée entre Israël et la Palestine. Mais Amanda Sthers ne suit pas ce chemin là, et préfère au questionnement politique, un questionnement plus intimiste sur le drame familial. Israël et les combats qui la sillonnent n’est du coup qu’une toile de fond, un prétexte à l’isolement et à la solitude du personnage principal. Et c’est peut-être là l’un des manquements majeurs du film : la sous-exploitation et la non justification des lieux dans lesquels évoluent les personnages.
Si une bonne partie du film se passe en Israël, une autre se déroule à New York, où le fils de la famille est un dramaturge à succès. Les passages d’un espace à l’autre sont très soulignés pour que le spectateur ne se perde pas, ceci souvent au delà du nécessaire. Sur le modèle de la famille traditionnelle, chacun devient un type pour pouvoir exister dans la fable internationale d’Amanda Sthers. Chacun s’enveloppe ainsi d’une grande pompe pour raconter une histoire finalement très simple, voulant prendre une forme tragique, mais qui n’est rien de plus que normale, commune et humaine... trop humaine : celle d’une famille désunie. Que la mère soit présentée comme une martyre, que la fille soit une femme enfant, que le père soit une sorte d’Oedipe et que le fils soit une Cassandre ne donne pas à la pièce la dimension tragique qu’elle semble rechercher.
Mais l’image est belle et le cochon est un surprenant acolyte, le temps d’une scène suspendue dans une voiture, entre deux amis.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur