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HLM PUSSY

Un film de Nora El Hourch

« Passer de victime à héroïne »

Amina, Djeneba et Zineb, amies depuis l’enfance, semblent traverser l’adolescence avec un mélange d’insouciance et d’espoir. Mais quand les deux premières filment l’agression de la troisième par un garçon de son entourage, c’est le début d’un engrenage qui va bouleverser leurs vies…

Il n’est évidemment pas hasardeux de voir ce film sortir la même semaine que la Journée internationale des droits des femmes. Plus que ce calendrier planifié, "HLM Pussy" est poussé par ce qui caractérise la société post-MeToo : l’urgence d’agir, et notamment de ne plus se taire. À travers ces trois adolescentes, la réalisatrice Nora El Hourch dépeint les multiples obstacles qui se dressent sur le chemin de l’émancipation des filles malgré la montée des prises de conscience : les héritages pesants d’un patriarcat qui continue d’imprégner les mentalités (y compris dans la pudeur des sentiments qui caractérise le père d’Amina, incapable d’exprimer ses pensées profondément enfouies) ; des inégalités dans la lutte selon la classe sociale (le film est particulièrement brillant sur cet aspect) ; des réseaux sociaux qui peuvent devenir à la fois un outil de combat mais aussi une machine à humiliations et harcèlements ; la loi du silence avec des dénis et lâchetés en tout genre…

Bien qu’il y ait quelques éléments plus poussifs (comme la scène de menace dans les toilettes de l’école), ce premier long métrage est globalement cohérent et crédible, s’insérant dans une réalité contemporaine à travers des dialogues et des situations qui prennent le pouls de la jeunesse actuelle dans toute sa diversité (des banlieues populaires et des milieux plus bourgeois), notamment dans la relation que les ados entretiennent entre eux et avec les adultes (certaines répliques valent de l’or !). L’authenticité ne fait toutefois pas basculer le récit dans un pur drame social : Nora El Hourch préfère saupoudrer son film d’espoir, de poésie et d’humour. La scène d’introduction dans le fast-food est à ce titre éclairante sur ce qu’est "HLM Pussy" dans son ensemble : si l’on y voit d’abord l’inquiétante persistance de l’oppression machiste chez les jeunes, cette séquence ouvre aussi la voie à une sororité de combat qui laisse une place à la complicité et à la bonne humeur.

Le film est aussi porté par un trio (et même un quatuor à la fin) d’actrices dignes d’être considérées comme les héritières de celles de "Bande de filles" ou de "Divines" : si on a déjà pu voir Médina Diarra (notamment comme fille de la famille Zantoko dans "Bienvenue à Marly-Gomont") ainsi qu’Amélia Lacquemant (qui incarne la nouvelle amie d’Amina), les deux autres débutent et c’est surtout Leah Aubert qui crève l’écran. Véritable diamant brut, elle passe de l’enthousiasme aux larmes avec un naturel déconcertant – on pourra retenir par exemple une poignante scène de séparation entre amies qui est filmée comme une rupture amoureuse. Vibrant de bout en bout, "HLM Pussy" se conclut avec un cœur qui bat à 100 à l’heure, avec une séquence baignée par un titre électro (".E.S", du duo Iñigo Montoya) dont les paroles féministes utilisent notamment un son d’archive de Simone de Beauvoir.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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