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HIVER À SOKCHO

Un film de Koya Kamura

La terrible sensation d’abandon

Soo-Ha, qui travaille dans une petite pension à Sokcho en Corée du Sud, partage sa vie entre son copain, avec lequel elle doit se marier, et sa mère, poissonnière. Un jour, Yan Kerrand, dessinateur de bandes dessinées français débarque à l’auberge, déclenchant chez elle de nouvelles interrogations sur son père, lui aussi français, qui est rentré au pays sans savoir que sa mère était enceinte d’elle…

"Hiver à Sockcho" s’ouvre sur un plan sur les montagnes enneigées près de la frontière avec la Corée du Nord. Une vue qui ressemble, par ses nuances de noirs, gris et blancs, aux peintures des paysages chinois ou japonais, mêlant encre et aquarelle. Et une manière d’introduire dès le départ ce que vient en partie chercher ici cet homme français, teinté de mystère, qui demande rapidement à acheter de l’encre et du papier, pour des dessins qui resteront un secret malgré la curiosité de Soo-Ha. Cette curiosité est bien au centre de ce long métrage délicat, où malgré elle, cette jeune femme tente de renouer avec ce père qu’elle n’a jamais connu, mais dont elle a appris la langue comme un possible trait d’union invisible, au travers de cet étranger. Au fil d’un récit qui prend son temps, adapté du roman d’Elisa Shua Dusapin, s’attachant à de petits détails du quotidien (dont la cuisine, ici méticuleuse et particulièrement importante), une certaine complicité va se développer entre elle et lui, alors qu’elle l’aide à trouver ses fournitures ou se retrouve à l’emmener en voiture vers la zone de démilitarisation.

Utilisant le symbole de cet entre deux, d’une guerre qui n’a jamais pris fin, dont des familles séparées souffrent encore, l’auteur évoque celui dans lequel se trouve son personnage féminin, séparé de ce père imaginé, et cherchant inconsciemment dans le comportement du visiteur des réponses à ses questions, voir un lien possible. Tendre par la douceur de son héroïne, ce cruel portrait d’une jeune fille qui se sent abandonnée, malgré l’attention de sa mère, vire au drame intimiste dont les sursauts se retrouvent étouffés par la tranquillité des paysages enneigés et l’attitude un peu abrupte de l’étranger. La jeune Bella Kim porte le film sur ses épaules, composant un personnage dont la routine se retrouve déstabilisée par une connivence apparente avec le personnage joué par un Roschdy Zem dont la distance semble s’effacer ponctuellement face à ses points d’intérêt. Un film dont l’émouvante tristesse rappelle avec tact qu’en amour comme dans toute relation, les objectifs de chacun ne convergent pas forcément.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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