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HERE – LES PLUS BELLES ANNÉES D'UNE VIE

Un film de Robert Zemeckis

Retour vers le passé

L’histoire d’une maison sur plusieurs générations, construite comme un voyage dans le temps, avec son lot de peines et de joies…

L’information est mise en avant dès la première ligne du synopsis officiel : « toute l’équipe de Forrest Gump revient au cinéma ». Si cette nouvelle avait de quoi réjouir, la méfiance était de rigueur. D’abord du fait de la réception plus que glaciale outre-Atlantique, aussi bien par le public qui a déserté les salles que par une presse peu emballée par le procédé narratif. Mais également parce que le grand Robert Zemeckis ne semblait plus à la hauteur de sa réputation depuis quelques projets, englué dans des films de studio sans âme ni passion (''Pinocchio'', ''Sacrées sorcières''). Pour autant, si le cinéaste a réuni son duo de comédiens, Tom Hanks et Robin Wirght, ainsi que son scénariste Eric Roth, cela devait bien être pour autre chose qu’une vulgaire production artificielle et mécanique. Dès les premières secondes, nous sommes rassurés, l’immense conteur d’histoires est de retour, sûr de la puissance du medium cinématographique et poussé par ce goût si personnel pour l’innovation technologique.

Le dispositif est pourtant imposant, criard, rebutant, un seul plan fixe pour retracer des siècles, nous plonger dans l’Histoire de l’Amérique, en commençant par la préhistoire et une célèbre météorite. On a alors peur d’assister à un mauvais docu-fiction historique, de se taper des périodes comme on enchaînait les cours au lycée. Il n’en sera rien, ''Here'' est une œuvre époustouflante, saisissante d’une maîtrise formelle bouleversante. Car c’est bien de cette superposition improbable des corps et des êtres que naît l’émotion du métrage, dans ces liens imperceptibles par l’œil humain, dans ces petits gestes anodins dont l’écho retentira des décennies durant. En concentrant son récit principalement des années 40 à aujourd’hui au cœur d’une même famille, le film déploie un symbolisme déchirant, confronté à une réalité plus terre-à-terre, la somme des étapes inévitables de nos existences, des choix de carrière aux questions sur les sacrifices obligatoires du couple.

Si ce drame se perd un peu trop dans des intrigues secondaires et les rêves de l’Oncle Sam, l’ensemble demeure une expérience assez hors-du-commun, comme l’avait pu l’être ''Cloud Atlas'' dans lequel on retrouvait déjà le toujours excellent Tom Hanks. Patchwork affectif plus que fresque spatio-temporelle, cet exercice de style est avant tout un moyen pour Zemeckis de se réinterroger sur ce modèle américain où le conservatisme tutoie le progrès et où les acquis d’hier ne sont plus garantis le lendemain. Sublimant la banalité, ''Here'' affronte et accepte l’idée du temps qui passe inéluctablement dans un monde où les DeLorean ne permettent pas de contourner les lois de la physique. Peinture de nos propres peurs et incertitudes, cet objet filmique non identifié est une chronique poignante dans laquelle Zemeckis s’amuse comme jamais avec les nouvelles techniques numériques. C’est parfois trop appuyé, pas toujours subtil, à quelques moments un peu décevant, à d’autres terriblement enthousiasmant : un tourbillon qui nous rappellerait presque la vie elle-même…. La boucle est bouclée !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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