Festival Que du feu 2024 encart

HELL DRIVER

Un film de Patrick Lussier

Hell et lui

Parti à la poursuite d’une bande de fanatiques menée par leur charismatique leader Jonah King, Milton va chercher à les empêcher de sacrifier sa petite-fille lors de la prochaine pleine lune. Il est aidé, dans sa quête, par une bimbo texane - qui n’a rien de mieux à faire de sa journée, et poursuivi par un type en costume trois-pièces, le Comptable, qui a une fâcheuse tendance à user d’une force surnaturelle pour se débarrasser des gêneurs…

Durant la projection de « Hell Driver », le dernier gros nanar d’un Nicolas Cage plus que jamais abonné aux séries B décervelées (et plus que jamais embarrassé par ses cheveux), deux sentiments se font continuellement la guerre : d’un côté, l’affliction la plus totale, qui prend le dessus dès la première séquence de poursuite motorisée entre Milton et de vilains garnements, et se déploie à mesure que les situations les plus improbables se succèdent à un rythme complètement anti-productif ; de l’autre, un picotement humoristique qui se transforme bientôt en franche rigolade, tandis que la trivialité de la mise en scène (surtout occupée par le séant de Miss Heard) laisse place à de rocambolesques dialogues et à des rebondissements absurdes. Autant dire qu’il s’agit d’un programme entièrement dédié aux ados et aux geeks, dans la continuité de ce qu’a déjà réalisé l’ex-monteur de Wes Craven (notamment sur la trilogie « Scream »), à savoir des joyeusetés telles que « Meurtres à la Saint-Valentin 3D », la suite de « La Voix des morts », « Dracula 2001 », « Dracula 2 : Ascension » et « Dracula 3 : Legacy ». Difficile d’avoir CV plus expressif que celui-ci. « Hell Driver » y apparaît comme une suite logique, la nouvelle pierre apportée à une carrière vouée au vulgaire et au putassier, dotée d’un des ciments scénaristiques parmi les plus imbuvables de ces derniers temps.

Un type au passé mystérieux, le leader idiot d’une secte satanique accompagné de ses sbires mononeuronaux, un grand échalas qui se fait appeler le Comptable et joue avec une pièce de monnaie à la façon du tueur de « No Country for Old Men », une poupée imprudente… le casting et les situations inventées par Lussier et son coscénariste Todd Farmer répondent point par point au cahier des charges de la production sans cervelle. « Hell Driver » n’est donc pas un film à prendre trop au sérieux, et c’est ce qui le sauve de sa propre indigence. Si l’on prend le parti d’en rire, les exactions violentes de Milton / Cage et de Piper / Heard peuvent devenir particulièrement divertissantes. Et la couleur est immédiatement annoncée : Milton est une sorte de mélange entre John Wayne, Vin Diesel et Elvis Presley, qui embrasse goulûment les serveuses candides dans les relais routiers et demande son café bien noir, avec du sucre, comme s’il essayait de soutirer un renseignement à un terroriste. Sa sidekick blonde, Piper, possède elle aussi un pouvoir étonnant : la capacité de distribuer les torgnoles à des bonshommes de trois fois sa taille.

L’ennui, c’est que Lussier et Farmer n’éprouvent aucune honte, quant à eux, à se prendre très au sérieux : ils voient « Hell Driver » comme un renouvellement du road movie qui fit les beaux jours des années soixante-dix, et pensent relancer un genre désuet en le croisant avec l’esthétique des jeux vidéos. Une fois n’est pas coutume, tous les excès se légitiment à l’aide d’une référence, même absurde, à un âge d’or quelconque du cinéma américain… Il suffit de revisiter un genre fameux et dépassé, d’y ajouter une technologie 3D et des comédiens à la mode, pour croire que l’on peut faire passer des vessies pour des lanternes. Or, « Hell Driver », explicitement construit sur des gimmicks chers au public populaire et peu exigeant, ne peut pas faire illusion longtemps dans cette voie. « Hell Driver » est moins un film spectaculaire qu’une grosse pochade au scénario indigent, qui gagnerait plus certainement à être partagée, entre copains, sur sa bonne vieille télévision, et avec de la bière. Mais pas consommée dans « le crâne de Jonah King », pour paraphraser le grand Milton – pas le poète anglais, non, l’insupportable personnage incarné par Nicolas Cage.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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