HEARTSTONE
L'amitié à l'épreuve du passage à l'âge adulte
Dans un petit village islandais, deux adolescents font les 400 coups ensemble. Quand ils ne s’amusent pas à casser des épaves, à mettre en place des pièges à oiseaux, ou à échapper au gang mené par un rouquin plus âgé, ils font les yeux doux aux filles. Mais en cachette, les gestes entre eux sont de plus en plus équivoques…
Présenté aux Journées des auteurs 2016, "Hearstone" est reparti du Festival de Venise avec le Queer Lion. Film islandais sous forme de prélude à un passage douloureux à l'âge adulte, il met en scène deux jeunes ados ballottés entre leur amitié complice et l'inclination, pas forcément naturelle, pour les filles. Réussissant à la fois la peinture de contextes familiaux difficiles (père absent ou alcoolique, mère en recherche de nouveau compagnon, soeur persécutrice...) et d'une communauté étriquée (tout se sait, les rumeurs vont vite, l'ennui domine...), cette œuvre à la fois âpre et porteuse d'espoir laisse une empreinte durable.
En utilisant à merveille les lieux isolés (la casse à ciel ouvert, le séchoir et sa structure en bois...) et l'omniprésence du vent, Gudmundur Arnar Gudmundsson construit progressivement les conditions d'une suffocation à venir, chacun devant finalement décider un jour de son propre chemin. Sans jamais verser dans le mélodrame, l'auteur parvient à donner une réelle substance à ces deux ados, à leur complicité, leurs rivalités, et leurs incertitudes. Gardant en permanence une certaine distance avec leurs gestes d'affection, qui n'ont pas forcément de signification autre, il réussit à dessiner finement les contours d'un besoin : celui de se définir au-delà de sa propre personne, par rapport à un groupe (d'ados, de villageois, ou d'adultes).
De l'incompréhension face aux actions d'adultes qu'ils méprisent, à l'apprentissage rude de la différence et des conséquences de jeux malsains, le film apparaît relativement sans concession. Mais il émane de lui une beauté indicible, au final de cette saison d'été qui s'étiole, dégageant un parallèle saisissant entre la joie d'un des personnages et la peur éprouvée par l'autre. Dessin d'un regard changeant avec les générations, "Heartstone" épouse au final l'âpreté des paysages ventés d'Islande pour mieux émouvoir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur