HAUT PERCHÉS
Un subtil jeu de miroirs
Une femme et quatre hommes se retrouvent dans l’appartement de l’un d’eux, pour partager leurs expériences liées au même homme. Tous semblent le définir comme un pervers manipulateur, les ayant exploité, humilié, asservi d’une manière ou d’une autre. Et chacun passe à son tour dans une des pièces, où semble se trouver le « monstre »…
Les auteurs de "Jeanne et le garçon formidable", "Drôle de Félix" et "Ma vraie vie à Rouen" continuent de creuser leur sillon, autour des rencontres, de l'attraction, de l'amour, notamment entre hommes. Après avoir un rien déçu avec le pédagogique "Théo et Hugo dans le même bateau" (récit en temps réel autour du traitement post-exposition), voici qu'ils s'essayent au huis clos, avec un jeu de (dé)construction assez subtil, tournant autour de la perception de l'autre.
Dans le décor néon d'un appartement situé en hauteur, ils offrent ainsi à cinq personnages l'occasion d'explorer les blessures mal refermées liées à leur relation avec le même homme. Effaçant tout repère chronologique, l'intelligent scénario se concentre ainsi sur les personnalités, diverses, et les multiples facettes décrites par des mots précis et parfois percutants. Servi par cinq interprètes tous très justes, incarnant les fêlures de chacun, tout en les liant à leur projection de la notion de couple ou de désir. Manika Auxire place la barre très haut dès le début, quant à Geoffrey Couët, après un rôle marquant dans "Les crevettes pailletées", il traverse le film avec aplomb, sur le rasoir.
Filmé dans l’appartement même d’Olivier Ducastel, doté d’une direction artistique poussant l’aspect coloré des pièces ou éléments de décors, le film exploite tous les recoins du salon et du balcon, multipliant les points de vue pour mieux enserré ses personnages dans leurs doutes et contradictions. Avec des dialogues savamment orchestrés, ils interrogent le rapport à l’autre dans le désir, jusqu’à introduire le doute. Et si l’appartement n’était pas le seul « haut perché » ? Si la blessure entraînait forcément une dose de paranoïa ? Et si l’être aimé qui ne comble pas vos désirs était obligatoirement ressenti pervers ? "Haut perchés" prend alors plusieurs sens, convoquant une potentielle dépendance des personnages à l’homme qui est leur point commun, tout comme leur perception personnelle et excessive du couple. On ressort en tous cas de cette expérience repus de bons mots, la tête prête à se pencher sur ses relations passées, voire sur son propre comportement.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur