HAPPY
Inspirez, expirez… soupirez
En Californie, des écoles ou des centres de réinsertion mettent en place des ateliers de « mindfulness » (ou méditation en pleine conscience)…
La société trouve toujours des choses à redire sur les enseignants ou les systèmes éducatifs. Quand ce n’est pas pour les critiquer directement, il convient de suggérer que l’école devrait s’occuper de ceci ou de cela, ou de pallier tous les problèmes de la société – sous-entendant ainsi que, de toute façon, les enseignants ne font pas ce qu’il faut. Ici, c’est la méditation qui est prônée. A première vue, on se dit : pourquoi pas ? Après tout, on voit bien qu’il peut y avoir des intérêts non négligeables sur la confiance en soi, sur la concentration ou encore sur la résilience des élèves dont la vie personnelle est semée d’embûches. Mais une fois que l’on a dit cela, on n’a pas vraiment avancé, surtout quand "Happy" s’attache à répéter inlassablement les mêmes scènes (alternant séances de méditation en classe et interviews face caméra) qui rabâchent les mêmes idées, les mêmes convictions et les mêmes constats. Si certaines séquences sont inspirantes, rien ne permet de montrer, par exemple, comment un atelier est décidé puis mis en place dans une école, ou comment les élèves perçoivent cette nouveauté lors de leurs premières expériences de méditation.
Mais le vrai problème ne vient pas de la faible diversité du contenu ou de l’ennui qui peut gagner facilement le spectateur. En fait, on est bien plus face à un film promotionnel qu’un film documentaire ! Le signe principal tient dans la façon dont les différentes personnes interrogées répètent le mot « mindfulness » comme une marque à marteler ou comme un évangile à diffuser. On pourrait d’ailleurs se dire qu’il y a tromperie sur la marchandise : quand le sous-titre évoque « la méditation à l’école », il s’agit en fait d’un seul type de méditation. Initialement, ce film avait porté d’autres titres plus directs et donc plus honnêtes ("Mindfulness à l’école et au-delà" puis "Happy, l’école en pleine conscience") mais sans doute moins vendeurs. Si la méditation au sens large a des avantages, il n’y a guère de raison (autre que promotionnelle) de favoriser cette seule variante, alors même que certaines techniques visibles dans le film concernent tout aussi bien d’autres disciplines ou techniques (la sophrologie ou le yoga par exemple) qui permettent aussi de vivre le temps présent, de lâcher prise ou encore de maîtriser sa respiration et son stress.
Au visionnage de ce film, on s’étonne surtout de n’avoir que des sous-entendus sur les origines religieuses (bouddhistes) de la méditation en pleine conscience. La religion n’est évidemment pas problématique en soi, mais ce serait oublier les possibles dérives sectaires de telles pratiques (elles sont pourtant réelles), ou le potentiel prosélytisme caché (surtout discutable dans le cadre d’écoles laïques). Ce film est donc définitivement plus publicitaire que documentaire, se taisant sur ces aspects tout en montrant pourtant des signes flagrants de spiritualité (y compris avec des teintes judéo-chrétiennes, par exemple quand on a parfois l’impression de voir des sortes de messes gospel) en prétendant mettre en place des ateliers non religieux. Au final, ce film échoue à découpler méditation et spiritualité, et donne même une image très naïve et/ou prétentieuse de pratiques qui, à écouter les différents intervenants, tiennent d’un miracle capable de résoudre tous les problèmes !
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
Happy, La Méditation à l’École // Bande Annonce Officielle // VF from JupiterFilms on Vimeo.