LE GRAND BAIN
Tendresse et folie maîtrisées pour le grand plongeon de Gilles Lellouche
À la lecture de la sélection hors compétition, la surprise, voire la moquerie, était de rigueur au sein du parterre de journalistes faisant face à Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, lorsque le nom de Gilles Lellouche a été prononcé. Comme si cinéma populaire et proposition cinématographique exigeante ne pouvaient cohabiter ("Le Sens de la Fête" était pourtant déjà passé par là en 2018). Comme si le patronyme du comédien était synonyme de « beaufferie », attitude qu’il a, c’est vrai, maintes fois explorée dans ses différents rôles. Mais dès les premières minutes, celui qui s’était déjà essayé à la réalisation avec "Narco" fera taire les plus sceptiques. Avec son ouverture onirique et la parfaite installation de son postulat de départ déjanté – une bande de quadragénaires en pleine crise existentielle se lance dans un cours de natation synchronisée – "Le Grand Bain" se révèle immédiatement comme un excellent feel good movie, bercé par les modèles anglo-saxons du genre sans jamais chercher à les imiter.
S’appuyant sur l’un des plus gros castings jamais réunis dans l’hexagone, où les figures du cinéma d’auteur côtoient la nouvelle génération et des acteurs plus habitués aux grosses productions, le film est un grand divertissement, où les gags sont généreux et les vannes foisonnantes. Certes, certaines séquences sont prévisibles, certaines scènes trop faciles, mais voir cette équipe improbable abandonner les anxiolytiques au profit de galipettes dans l’eau est tellement jouissif que les quelques maladresses sont vite oubliées. Dans ce grand numéro collectif où chacun occupera le devant de la scène avec plus ou moins de temps de parole accordé, les personnages féminins ne sont pas pour autant oubliées. En témoignent les punchlines délirantes de la coach incarnée par Leïla Bekhti.
Croquant avec bienveillance la dépression et dressant un portrait exubérant de notre société à travers ce groupe de bras cassés, le métrage tient largement sa promesse première, à savoir nous titiller les zygomatiques. Mieux, en évitant les gags peu inspirés (du style « la natation synchronisée, c’est pour les filles »), "Le Grand Bain" s’avère être une excellente surprise, énergique et barrée. Parvenant même à émouvoir à plusieurs reprises, Lellouche réussit parfaitement son retour derrière la caméra, offrant plusieurs séquences cultes (le vol des combinassions de natation, la chorégraphie finale…) et nous livrant un résultat audacieux, inventif, à la mise en scène réfléchie et à la bande-son soignée. Plus de polémique possible, le film avait bien sa place à la grande fête cannoise.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur