GONE BABY GONE
Des comédiens attachants et une intrigue prenante
Pour sa première réalisation, Ben Affleck a choisi de porter à l'écran le dernier volume d'une série de livres de Dennis Lehane, l'auteur de "Mystic River", mettant en scène un couple de détectives privés. Dire qu'il s'en sort bien est un euphémisme. Grâce à des comédiens attachants et une intrigue prenante, il nous fait peu à peu quitter les sentiers classiques de l'enquête policière pour poser des questions de société d'une toute autre importance.
Sa grande force est d'avoir confié le rôle principal à son jeune frère Casey. Et ce dernier, disons-le tout net, est formidable. A Deauville, Casey aura été la vraie révélation du festival avec deux films au compteur et quels films : le magnifique "Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford", dans lequel il donne toute son ambiguité au personnage de Ford, et ce "Gone Baby Gone". Le grand Ben connaît bien son petit frère. Lors de la conférence de presse, il a expliqué qu'il lui avait confié ce rôle parce que Casey était, parmi les acteurs de sa génération (ceux ayant une trentaine d'années), celui qui est le moins connoté, celui qui surprend, celui dont "on ne sait pas s'il va être sympathique ou pas". Et c'est vrai que lorsqu'on voit Casey Affleck dans les deux films cités, on s'aperçoit de l'étendue de son talent. Suprême cadeau, Ben a donné à son frère de bien bons partenaires.
L'originalité du film est de poser des questions auxquelles il donne plusieurs réponses contradictoires. Au spectateur de choisir son camp ou, mieux encore, de se les poser à son tour en essayant de prendre en compte toute la complexité dont elles relèvent. Entre autres choses, "Gone Baby Gone" parle de la liquidation des auteurs de crimes pédophiles, des enfants élevés par des mères pas toujours disponibles pour s'occuper d'eux. Faut-il se débarrasser des premiers ou les juger équitablement ? Faut-il enlever les seconds à ses mères que la moralité jugera indignes ? Affleck ne condamne pas forcément tous ses personnages, laissant à quelques-uns le droit à une humanité poignante.
Jean-Charles LemeunierEnvoyer un message au rédacteur