GO GO TALES
One night at Ray Ruby's
S’il n’est plus le cinéaste culte du New York underground qu’il fut dans les années 80 et 90, Abel Ferrara n’en continue pas moins de livrer régulièrement une de ces pépites indépendantes dont il a le secret. Tourné il y a maintenant six ans, "Go Go Tales" se dévoile enfin aux spectateurs français, et s’impose rapidement comme l’un de ses meilleurs films. Comme quoi, mieux vaut tard que jamais…
Retrouvant quelques uns de ses acteurs fétiches (Willem Dafoe, Asia Argento, Matthew Modine), auxquels viennent s’ajouter le sympathique Bob Hoskins et l’inattendue Lou Doillon, Ferrara s’impose une unité de temps (une nuit) et de lieu (le Paradise Lounge) pour mieux s’attarder sur ce qu’il maîtrise le mieux : l’étude de caractères. Avec ses effeuilleuses sexy essayant tant bien que mal de garder les rares clients, sa propriétaire pathétique en quête de loyer et ses employés trimant avec bon vouloir, "Go Go Tales" va à l’encontre de tous les clichés. Pas de glauque, ni d’abus, Ray Rubis gère sa barque comme un père de famille dépassé par les événements, incapable de payer des êtres humains qui semblent pourtant heureux de leur situation.
Truculent et un peu foutraque, le film l’est assurément. Mais là où Abel Ferrara, en humaniste dégénéré, touche au cœur, c’est quand il dévoile l’autre « business » du club : finis les érotomanes et les danses lascives, une fois par semaine le cabaret laisse sa chance à ses employés pour montrer l’étendue de leurs talents divers et variés. L’altruisme du personnage de Willem Dafoe, excellent une fois de plus, devient dès lors palpable, au point de voir son monologue final comme l’expression directe de la pensée du cinéaste. Profondément émouvant et gentiment déglingué, "Go Go Tales" prouve une fois de plus la versatilité généreuse de son cinéaste, et se déguste pour ce qu’il est : un authentique conte de fées jamais amer ni cynique. Et en ces temps de marasme généralisé, ça fait un bien fou !
Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur