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GIVE ME LIBERTY

Un film de Kirill Mikhanovsky

Carpe Diem

Vic est un jeune chauffeur de véhicule médicalisé à Milwaukee, USA. Alors qu’il est déjà en retard pour aller chercher les différentes personnes qu’il doit convoyer et qu’il est sur le point d’être licencié, il se retrouve à devoir emmener son grand père, une demi douzaine de vieux russes et un étrange inconnu à un enterrement, au milieu des manifestations contre la violence policière…

Give me liberty film image

Ce film est un coup de cœur absolu. A la fois touchante et terrible, cette œuvre force au lâcher prise, à la contemplation et à profiter de l’instant qui passe. S’arrêter pour réaliser que, les merveilles que recèle le monde autour de soi, les gens, ces voisins que l’on croise sans même les saluer, ces handicapés que notre regard empli de pitié ou de gêne voit à peine, sont des petits paradis, des expériences à vivre au cœur même de la vie. S’arrêter ? Non, plutôt aller avec le flot, plutôt que s’épuiser à lui résister. Prendre le temps de dévier de sa trajectoire, de ne pas respecter le plan. Ne pas se soumettre à l’agenda dicté par le travail, dont le téléphone et la radio sont les agents intempestifs. Privilégier le contact et aller à la rencontre de l’autre, quel qu’il soit et découvrir.

Ce film est d’une intelligence rare, exempt de tout jugement. Chaque personnage existe avec sa vie propre, mais est aussi une passerelle, un chemin pour le personnage de Vic qui doit désapprendre cette culture de l’instantané. Le spectateur suit ainsi le même trajet, accroché à son siège, rongeant son frein, le cœur serré à chaque feu rouge, à chaque pause que Vic doit faire, alors que la radio lui crie qu’il est en retard, en retard, en retard.

Au cœur même de la vie, le terme de chronique ou de peinture sociale ne décrirait pas exactement l’approche de "Give me liberty". Plus proche du documentaire dans sa forme et dans son filmage à l’épaule, très nerveux, le film se déploie devant nous quasiment en temps réel. On découvre des quartiers qui se jouxtent aux populations qui se haïssent cordialement. La navette PMR apparaît alors comme un lieu neutre, où toute les communautés se rencontrent. Un service qui les réunit. C’est à partir de ce microcosme que la caméra va pénétrer dans les différents quartiers. Dans la grande maison de Tracy (Anna Maltova), sublime de vérité, de douceur et de sensibilité. Mais aussi dans la résidence où Vic vit avec son grand père et certains de ses clients. Ou encore dans l’appartement de sa mère, soliste au piano, où, comble de l’improbable, se joue une représentation avec une cantatrice. Sans oublier bien-sûr dans le centre d’accueil des handicapés, dans lequel se déroule un spectacle où certains chantent. La scène devient bouleversant quand l’ogre russe, qui semble hors de toute conventions ou retenues sociales, se met à applaudir en rythme pour les encourager.

Deux scènes de nuit bénéficient d’une traitement similaire. Un effet stroboscopique fait passer l’image de la couleur au noir et blanc. Il s’agit d’une scène de soirée, au centre d’accueil et d’une terrible scène de manifestation, filmée en plein cœur de la foule, devant un commissariat suite à l’arrestation d’hommes noirs. Le traitement du handicap est ici inédit. Loin d’une barrière, le handicap force à développer un autre langage. Ces hommes et ces femmes ne sont pas ostracisés, ils sont le cœur du film, la mémoire et la sagesse qui accompagnent les personnages. En témoignent l’ouverture et la clôture qui se répondent, et un plan final sur des arbres pas comme les autres.

"Give me liberty" est au final une expérience dont on sort lessivé et grandi. Un film qui pousse à réfléchir à notre propre rapport au travail, à la pression et à notre capacité à saisir l’instant, à s’autoriser des rencontres, à dévier du plan.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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