GIMME DANGER
À réserver aux inconditionnels d’Iggy Pop
Focalisé sur une longue interview d’Iggy Pop que Jim Jarmusch avait faite peu avant la sortie en salles d’"Only lovers left alive" en 2013, "Gimme Danger" mérite d’emblée que l’on pose un avertissement : les allergiques au rock se sentiront aussi peu concernés par le film que les néophytes qui ne voient en Iggy Pop (« l’iguane » pour les intimes) qu’un hystérique à côté duquel Janis Joplin passerait presque pour l’égale de Norah Jones. Aussi fournie soit-elle, cette compilation d’images d’archives et de témoignages édifiants sur ce que fut l’aventure musicale des Stooges peine ici à susciter une vraie fascination, déjà en raison de l’infinie mollesse du montage (sauf quand la musique surgit), ensuite pour des effets de style déjà vus ailleurs (dont les superpositions d’image et les collages divers), enfin pour le manque d’entrain de la part d’Iggy Pop, ici assimilable à un narrateur pépère qui évoque sa légende sans clairement s’aventurer dans les zones les plus sombres de celle-ci.
Très classique dans sa construction comme dans son évolution, "Gimme Danger" se vit donc comme une déclaration d’amour à la fois drôle et passionnée de Jarmusch à la bande psychédélique des Stooges. Mais le film n’arrive pas à transcender ce schéma narratif prévisible, ne serait-ce que par une idée de mise en scène ou un point de vue réellement surprenant. Concrètement, on a la sensation de voir un film sur le rock punk, mais qui n’est lui-même ni rock ni punk. Rien qu’en filmant un simple concert des Rolling Stones avec une énergie folle, Martin Scorsese avait su faire de "Shine a light" une concrétisation en huis clos du génie de ce groupe mythique, à la fois pulsative dans son montage et pleinement reliée à l’esprit frondeur du rock. À l’inverse, Jim Jarmusch reste ici calé bien au chaud sur le régime de la sage hagiographie. C’est convenable dans l’absolu, mais ce n’est clairement pas ce que l’on espérait de sa part.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur