GENUS PAN
Images subliminales
Trois hommes quittent la mine où ils sont exploités pour revenir dans leur île. Au cours de leur voyage, seuls face à la nature, leurs relations vont se construire et changer…
Pour son quatrième voyage à Venise, le réalisateur Philippin, repart en 2020 avec un nouveau prix dans la section Horizon (Orrizonti), pour la meilleure réalisation, section dont il avait déjà été le lauréat en 2007 et 2008 (respectivement pour une mention spéciale du jury avec "Death in the land of Encantos" et pour le meilleur film avec "Melancholia"). Le film qu’il a présenté cette année en sélection est extrêmement court pour un auteur ayant habitué son public à des expériences en salle de plusieurs heures. L’action y est également très resserrée, tant temporellement, que dramatiquement.
Le choix de Lav Diaz de présenter essentiellement de la nature et des personnages évoluant hors de tout milieu urbain, vient aussi contraster avec l’étude psychosociologique des effets de la ville, de la technologie et des mutations qu’elle fait subir au peuple et à l’âme philippine, des œuvres précédentes du réalisateur.
Malgré ces nouveautés, dès les premiers plans, tant par le travail sur le son que par l’utilisation d’une charte graphique reconnaissable entre toutes, celle d’un noir et blanc numérique d’une netteté qui ne cherche même pas à éviter les défauts et les déformations de la vision humaine, la patte de l’auteur s’impose.
Dès lors, le voyage de ces trois hommes, assez bavards au milieu de leur silence, respectivement, un « vieux collaborateur aux tendances autoritaires », « un homme pieux et humain » et « un jeune homme en quête de lui-même », tous les trois perdus dans leurs contradictions et pris dans une avancée qui se vide peu à peu de sens, amène le réalisateur philippin sur les terres d’un autre auteur, thaï cette fois, de douze ans son cadet : Apichatpong Weerasethakul.
"Genus Pan" semble couler de la même source qu’"Oncle Boonmee" est les deux films se rejoignent dans ce territoire suspendu, au cœur d’une nature inidentifiable, où les esprits, les mythes, et les réflexions existentielles, notamment sur la violence inhérente à l’être humain, se mêlent, au gré d’image subliminales qui viennent imprimer la prunelle du spectateur.
Un voyage, un cheminement, une expérience, peut-être le Lav Diaz le plus accessible, en raison de sa durée et de son sujet, au grand public.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur