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GABRIEL ET LA MONTAGNE

Un film de Fellipe Barbosa

Les 70 derniers jours d’un globe-trotteur : aussi bouleversant que galvanisant !

Étudiant en sciences économiques, Gabriel a décidé de partir faire le tour du monde durant un an, pour étudier au plus près le phénomène de paupérisme auquel il consacre sa thèse. Intrépide, son périple va l’amener à parcourir l’Afrique, un continent qui va complètement chambouler sa façon de penser…

Pour son deuxième passage derrière la caméra après "Casa Grande", Fellipe Barbosa a décidé de raconter le parcours hors-du-commun d’un ancien camarade de classe dans cette œuvre troublante dont les frontières entre la fiction et le documentaire ne cessent de se brouiller. Cet ami, c’est Gabriel Buchmann, un étudiant brésilien en sciences économiques travaillant sur la pauvreté. Mais au lieu de s’enterrer dans une bibliothèque, le jeune homme a décidé de parcourir le monde durant un an, « pas de manière touristique » comme il aime le rappeler. Seul avec son baluchon la plupart du temps, le garçon erre de rencontres en rencontres, se laissant guider au hasard de ses pérégrinations, et cherchant avant tout à vivre comme les locaux. Malheureusement pour lui, le voyage va s’avérer être funeste. Car le film s’ouvre sur son corps sans vie, abandonné sur le versant du Mont Mulanje au Malawi. Le suspense ne portera donc pas sur le dénouement de son périple mais sur les raisons qui l’ont amené à connaître ce destin tragique.

Drame solaire et énergique, "Gabriel et la Montagne" est un "Into the Wild" sans les artifices hollywoodiens, un instant de pureté aux choix radicaux et à la mise en scène virtuose (les couleurs et le travail sur la luminosité subliment ces paysages déjà magnifiques). Profondément animé par un souci de véracité, le métrage ne compte d’ailleurs que trois comédiens professionnels (le protagoniste principal, sa conjointe et la jeune fille qu’il croise dans ce refuge au Malawi). Tous les autres sont de véritables touristes et surtout les personnes que le vrai Gabriel a rencontrées, donnant évidemment une autre dimension à chacun de leurs souvenirs contés en voix-off.

Sans jamais tomber dans l’hagiographie, le film dresse le portrait complexe d’un faux candide, d’un voyageur dont l'obsession de voyager différemment est aussi bien un signe d’altruisme que d’une certaine forme de mégalomanie, une manière de se mettre en avant tout en aidant les autres. Face à son attitude souvent bienveillante, parfois grossière, tantôt naïve tantôt égoïste, le réalisateur n’apporte aucun jugement, n’esquisse aucune réflexion moralisatrice face à l’arrogance de ce touriste persuadé de tout savoir (même mieux que les habitants) et pourtant si heureux de porter des accoutrements désuets ou de participer à la moindre tâche. Séquences après séquences, "Gabriel et la Montagne" s’affirme comme un trip initiatique touché par la grâce, un hommage bourré de nuances à un gamin rêvant de communier avec la nature, quitte à se perdre dans sa quête, au sens propre comme au figuré. Un vrai geste de cinéma, sobre et authentique, doublement récompensé lors de la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes, par à la fois le prix de la révélation France 4 et le Prix de la fondation Gan pour la diffusion ! À ne pas manquer !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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