Festival Que du feu 2024 encart

FUNAMBULES

Un film de Ilan Klipper

Un incroyable documentaire

Une femme prend son petit déjeuner, comme dans un rituel bien réglé. Elle se présente, méticuleusement, simulant une sorte de rencontre. Un homme en pyjama et pantoufles parle de protection, dans cet hôpital psychiatrique, par rapport au dehors, où on fait du mal aux plus faibles. Un vieux monsieur, dans un appartement surchargé d’objets, envoie bouler un appel de démarchage téléphonique, en indiquant qu’il n’a rien. Tous les trois ont basculé dans la folie…

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L’intelligence et la folie ne sont pas forcément incompatibles. Les trois personnages principaux de ce fascinant documentaire signé Ilan Klipper (auteur de docus sur l’institution policière "Flics", "Commissariat", et d’un autre sur un romancier en perte d’inspiration, "Le Ciel étoilé au dessus de ma tête") en sont la preuve. Leurs excentricités sont tantôt amusantes, tantôt inquiétantes, masquant de vraies solitudes, plus ou moins bien vécues, mais aussi une vision bien personnelle du monde.

La jeune femme n’a vu que trois hommes beaux dans sa vie, rêve d’amour et voudrait bien « avoir un petit punk ». Elle s’est en tous cas créé un univers coloré rassurant, que la mise en scène tend à rendre irréel, par une image ouaté, ou un filmage flou au travers d’une vitre. Bourrée de tocs, elle se « met en boucle facilement » entre présentation d’objets façon présentatrice de télé-achat et discussions plus sérieuses, mais obsessionnelles. Le jeune homme hospitalisé parle bien, il disserte presque à voix haute, mais il se répète, fait des fixettes. Et surtout, il se déprécie sans cesse, affirmant qu’il entend des voix, et masquant à peine sa crainte de l’extérieur et de la « violence » des autres. Le vieil homme lui ne veut rien jeter, récupère d’autres objets dès qu’il sort, et a le juron ou la colère facile.

Tous ces personnages en croisent d’autres, dans des situations visiblement plus complexes, déconnectés du monde ou de la réalité. Plus le documentaire avance, plus on s’attache paradoxalement à ces êtres à part, se questionnant sur ses propres limites ou situation d’éventuel basculement. Le vieil homme se demande d’ailleurs lui même ce qu’est « être quelqu’un de normal », ou la différence entre « art » et « déchets ». Ilan Klipper, par l’absence de tout commentaire, hormis les réactions de quelques rares proches (la mère de la jeune femme, la petite fille du vieil homme…), refuse toute réponse toute fait, mais souligne au travers de ce documentaire incroyable de tact et de drôlerie, l’importance de l’habitude comme facteur stabilisant pour ces êtres à part.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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