FROST / NIXON
La vérité est un plat qui se mange tiède
Auteur du « Dernier roi d’Ecosse » de Kevin MacDdonald et de « The Queen » de Stephen Frears (des films qui témoignaient déjà d’un intérêt certain pour l’Histoire de la Grande-Bretagne), Peter Morgan signe ici le scénario de sa propre pièce de théâtre. Celle-ci a d’ailleurs été interprétée par Franck Langella et Michael Sheen, qui ont conservé leur rôle un an plus tard à la demande de Ron Howard. Le projet est ambitieux : s’inspirer d’un programme télévisé ayant connu un succès historique (45 millions de personnes ont assisté au débat entre Frost et Nixon) et créer une fiction autour du sujet, tout en suggérant une certaine exactitude dans la restitution des faits. Le tout sans réelle tête d’affiche, si l’on exclue les excellents seconds rôles de Sam Rockwell et Kevin Bacon.
Le cocktail est plutôt réussi pendant la première moitié du film, centrée sur le personnage du Frost et la croisade qu’il mène pour parvenir à ses fins. Dans un style proche de celui d’un polar ou d’un film d’espionnage teinté d’humour, Ron Howard prend plaisir à faire monter la pression autour d’un héros dont on perçoit mal les motivations. Ce flou volontaire donne beaucoup de charme au film, et il y a quelque chose de plaisant à suivre les tribulations de ce journaliste désinvolte jugé comme inconscient par ses pairs.
Hélas, la deuxième moitié du film (celle consacrée à la rencontre entre les deux hommes) connaît une perte de vitesse qui lui sera fatale. Le rebondissement tant attendu n’arrive pas (ou trop tard), les soi-disants affrontements verbaux n’ont jamais vraiment lieu et Michael Sheen, qui portait si bien le début du film, perd toute saveur. Les interviews elle-mêmes, montrées en grande partie, sont sans surprise, si ce n’est celle d’être bien en-deça de ce que le film essaie de nous vendre depuis le début. La plus grande méprise est sans doute d’avoir crû dès les premières minutes qu’il s’agissait d’une histoire sur le pouvoir de la télévision, et non d'un film sur le Watergate. C’est bien dommage. En quittant la salle, on en oublierait presque la qualité initiale du film et, surtout, l’extraordinaire performance de Franck Langella dans le rôle d’un Président déchu jouant ses dernières cartes.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur