FREMONT
Faire confiance à nouveau
Donya, 20 ans, est une jeune réfugiée afghane, exilée au retour des Talibans car elle avait accepté d’être interprète là-bas pour l’armée américaine. Installée dans un motel avec d’autres réfugiés, elle travaille dans une usine qui fabrique des Fortune Cookies, dans la ville de Fremont. Alors qu’elle tente de convaincre un psychiatre de lui prescrire des somnifères pour mieux dormir, le décès de celui qui rédigeait les messages porte bonheur intégrés dans les gâteaux incite son patron à lui confier ce poste…
Prix du jury ex-æquo avec "The Sweet East" au dernier Festival de Deauville, "Fremont" est un drame teinté de traits d’humour plutôt pince sans rire et d’une poésie douce-amère, qui a pour héroïne une réfugiée afghane. Par petites touches, le scénario saisit l’entre deux dans lequel évoluent les réfugiés installés aux États-Unis, encore confrontés à leurs tensions interne (l’un des voisins de chambrée de Donya, Souleymane, père de famille, la méprise et ne lui adresse jamais la parole), et une accablante solitude. Un autre voisin, Salim, représente parfaitement celle-ci, amoché, entre résignation et élans littéraires. Quant à Donya, l’héroïne, elle est encore prisonnière de ses décisions passées, ses quelques contacts avec sa famille permettant de comprendre les menaces qui pèsent, notamment sur son petit frère, si elle ne revient pas au pays.
Observatrice en transition, elle se retrouve ici face à des Américains et Immigrés pour la plupart de bonne volonté, d’où provient un peu de légèreté. Parmi eux figurent un patron d’origine asiatique ayant une drôle conception du « fun », une collègue adepte des blind dates mais qui héberge sa mère chez elle, un restaurateur afghan particulièrement sage, ou un garagiste perdu au milieu de nulle part… et surtout un psy un rien dépressif, qui à lui seul vaut de le détour. Plein de sagesse, le scénario rappelle en permanence à son personnage, qu’il est à nouveau temps de s’ouvrir aux autres, et que l’être humain n’est pas fait pour être seul, comme un « navire qui reste au port, mais n’a pas été bâti pour ça » ! Tout cela fait de "Fremont" un conte moderne en noir et blanc sur l’exil forcé, aussi doux-amer que joliment porté par son actrice principale, Anaita Wali Zada, et résolument tourné vers un monde qui pourrait retrouver des couleurs. Une bien douce façon d’aborder le stress post traumatique des migrants.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur