FREE LOVE
Lorsque la forme écrase le fond
Laurel Hester est une inspectrice de police exemplaire. Pourtant, lorsqu’elle se découvre atteinte d’un cancer en phase terminale, sa hiérarchie lui refuse le droit de reverser sa pension à sa compagne. Débute alors son dernier combat…
Peter Sollett est un homme rare. Depuis sa romcom adolescente “Une nuit à New York”, le réalisateur n’avait signé que trois vulgaires épisodes de séries dont la plus connue est sans doute “Ben and Kate“ avec Dakota Johnson. Autrement dit, rien de bien mémorable. Alors le savoir repasser derrière une caméra pour traiter un amour miné par la maladie avait titillé notre cinéphilie, d’autant plus en raison de sa propension à capturer les émois passionnels avec sobriété et élégance.
Et l’histoire de Laurel et Stacie avait le potentiel des grandes fresques humanistes, celles qui vacillent les curs et accaparent les votes de l’Académie des Oscars. La première est une agente de police émérite ; la seconde, une jeune fille capable de changer une roue en un temps record. De leur rencontre, naîtra un amour pur et sincère. Jusqu’à ce que le cancer vienne briser le rêve. Malheureusement, dans ce drame à la mise en scène ronflante, jamais l’émotion ne parviendra jusqu’aux yeux désespérément secs du spectateur. La faute à une forme scolaire sans aucune épaisseur et à une absence totale de nuances dans un récit didactique aux ambitions légères. Julianne Moore et Ellen Page font le job plus qu’honorablement, mais le métrage s’égare dans la recherche du sentimentalisme mielleux plutôt que de coller aux faits pourtant réels de ce drame.
Là où Peter Sollett aurait pu puiser la rage pour transcender son propos, le cinéaste préfère éluder la question, trop apeuré qu’on puisse oublier le bouleversant de la situation. L’homophobie silencieuse d’un milieu masculin où le simple fait d’être une femme suffit aux discriminations, la réappropriation politique d’une tragédie personnelle, la signification profonde de la liberté d’aimer, autant de sujets à peine effleurés par un scénario emprisonné dans son écrin larmoyant. La chronique intimiste et l’épopée grandiloquente sur la lutte pour l’égalité des droits ne parviennent ainsi jamais à se confondre pour épouser la dimension héroïque du pitch initial.
C’est finalement des deux seconds rôles, Steve Carell et surtout Michael Shannon, impressionnant en collègue bienveillant, que vient la vraie bonne surprise du film. Néanmoins, la belle alchimie entre les comédiennes principales et la qualité de la prestation des deux messieurs précités ne suffisent pas à sublimer le combat de ces deux femmes. L’hommage rendu se limite à une simple reconstitution, certes efficace, mais complètement dépourvue de parti- pris cinématographique. Regrettable…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur