FRANZ ET LE CHEF D’ORCHESTRE
Plein les yeux mais les oreilles vides
L’animation en volume réel a décidément le vent en poupe. Souvent jugé à tort débridé, voire démodé, les succès successifs de « Wallace et Gromit et le Mystère du Lapin Garou » et des « Noces Funèbres » de Tim Burton (sans parler des sorties de « Team America, Police du Monde » et « Le Fil de la Vie » qui seraient un brin hors sujet) ont su témoigner de l’ouverture d’esprit d’un large public qui ne s’attarde finalement que peu sur des considérations purement techniques, contrairement à ce qu’auraient pu croire certains producteurs.
C’est donc dans un contexte plutôt favorable que sort « Franz et le Chef d’Orchestre », court métrage d’animation qui, d’autant plus, sait flatter les yeux du spectateur dès les premières minutes. Baigné par une lumière douce aux couleurs chamarrées, ce nouveau court métrage du couple Geffenblad propose une animation à base de découpages papier. Technique pour le moins atypique, pour laquelle on est toutefois bien loin d’une animation limitée à la South Park tant les qualités esthétiques de ce film font honneur à l’animation suédoise, très méconnue, et même au dessin animé en général.
Quoique de volume il n’en est finalement pas question puisque ce qui constitue l’animation n’est pas moins que de classiques dessins 2D découpés puis animés image par image. Mais le trait est tellement précis que l’effet de perspective est bluffant. Quant aux mouvements et expressions des personnages, ils sont d’une rare précision, supportés par une animation sans faille.
Ainsi captivés par cette mise en image originale, le récit s’instaure dans nos têtes sans le moindre problème. Bercés par une atmosphère doucement naïve nous suivrons toutes sortes de péripéties à travers les yeux innocents d’un enfant de six ans. Pourtant, les premières journées vécues pas Franz, relatées au début du film, n’ont rien d’enviables. Pendant des heures, il assiste aux répétitions d’un orchestre de jeunes, loin d’être épris par leur activité musicale, ce qui mettra en rogne leur élitiste chef d’orchestre. Heureusement que le jeune soliste de cor est là pour rehausser le niveau.
Mais ces qualités auront tôt fait de traduire ce jeune prodige en bouc émissaire du groupe, au point qu’un jour, l’embouchure fétiche de ce dernier lui est dérobée. Excédé d’être mis sur la touche, Franz portera alors secours à ce jeune homme timide et un peu enveloppé. Chacun s’ouvrant l’un à l’autre, le soliste prodiguera sa passion pour la musique à Franz, celui-ci aidant en contrepartie le musicien à gagner confiance en lui.
Très proche du récit initiatique, le scénario respire malheureusement un classicisme certain et basique. Certes, difficile dans ce genre d’échapper à certains codes, le schéma restant au fond toujours le même : un enfant vit au sein d’un groupe qui, une fois ce dernier menacé, vient à quitter ses habitudes et à briser ses peurs afin de devenir mature. Mais ici, tout est trop pris au pied de la lettre et manque cruellement d’originalité dans la représentation de ces codes.
Ainsi, le scénario fait la part belle aux clichés, sans oublier tous ceux relatifs au monde de la musique (chef d’orchestre perfectionniste, adolescents écoeurés par la musique classique, rockers cools mais bruyants ...) Bref, dans ce registre, on préférera plutôt revoir « Gôshu, le Violloncelliste » (1982) d’Isao Takahata, beaucoup plus intéressant, précis et réaliste dans son approche de l’apprentissage musical, et pourtant à peine plus long. Toutefois, ne renions pas les qualités esthétiques remarquables de ce film, qui, il faut bien l’avouer, méritent à elles seules d’être vues. Longue vie à l’animation suédoise !!
Olivier BlondeauEnvoyer un message au rédacteur