LA FORME DE L’EAU
Romantisme et naïveté assumés pour un conte magnifique
Le nouveau film de Guillermo del Toro ("Le Labyrinthe de Pan", "Pacific Rim") donne autant dans l'horrifique que dans l'onirique. Avec l'histoire d'une femme de ménage (Sally Hawkins, fragile à souhait) prenant en pitié une créature de laboratoire, ce film de monstres lorgne sur des classiques des années 30 à 50, tels "La Fiancée de Frankenstein" ou "L’Étrange Créature du lac noir". Assumant autant son romantisme qu'une certaine naïveté, le scénario allie humour et élans amoureux, fantastique et suspense mâtiné de gore, ceci sans jamais verser dans le kitch.
Le film nous entraîne dès le début, grâce à une captivante scène sous-marine dans un appartement, dans l'univers étriqué de sa jeune héroïne, muette, ceci à la manière d'un conte dont la voix-off viendrait servir le propos : le monstre n'est pas forcément celui que l'on croit. Face à face entre petites gens et dirigeants (les femmes de ménages face aux savants, des êtres humains face à un gouvernement sans âme), le scénario n’est certes pas d’une complexité effarante. Mais c’est la mise en scène de Guillermo del Toro qui fait toute la différence. Le probable futur oscarisé en la matière, ose à la fois des scènes de découverte d’une tendresse incroyable comme d’autres de torture les plus crues. Sans peine, il allie une vraie scène d’amour (sur La Javanaise), ou nous entraîne dans une séquence de comédie musicale noir et blanc.
Tout est bon pour magnifier ces deux êtres différents, unis face au calcul et à la violence gratuite. Del Toro soigne autant sa photographie (tout juste sublime) que ses décors aux teintes passées, créant ici une ambiance à la fois mystérieuse et inquiétante. Aidé par un Michael Shannon parfait en tortionnaire psychorigide, une Octivia Spencer cynique à souhait et une Sally Hawkins plus charmante que jamais, "La Forme de l’eau", Lion d’or du dernier Festival de Venise, devrait séduire les spectateurs de tous âges, pourvu qu’ils aient un reste de rêves d’enfants ou un incurable fond de romantisme.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur