THE FLORIDA PROJECT
Un film solaire qui met en lumière la face cachée de l’Amérique
Retranchés dans les coursives rose guimauve du Magic Castle Motel, Moonee et ses copains sont surexcités. Livrés à eux même pour les vacances, ils ne manquent pas d’imagination pour mettre sans dessus dessous cet hôtel dortoir où les familles sans ressources trouvent refuge pour ne pas être sans abri…
À seulement quelques kilomètres du château de Cendrillon, le long de la route 192, se succèdent des motels aux noms féériques : Futureland Inn motel, Magic castle Motel… Décorés comme des attractions Disney, ces complexes touristiques ont aujourd’hui perdu de leur magie. Désertés par les touristes, ces motels aux couleurs flamboyantes n’abritent à présent que les laissés pour compte de la crise des subprimes. Dans l’un d’eux, réside Halley, une mère célibataire de 20 ans à peine, qui survit en revendant des parfums à la sauvette et en se nourrissant des invendus du fast food que lui donne sa voisine du dessous.
D’un tempérament sulfureux, Halley mène son existence telle une grande ado irresponsable. Cette attitude puérile enchante souvent sa petite fille Moonee, qui par conséquent, ne se voit imposer aucune limite. Avec ses copains, elle ne tarit pas d’idées quand il s‘agit d’occuper leur journée. Cracher sur les voitures, insulter la vieille Gloria qui expose sa poitrine flétrie au bord de la piscine ou mettre le feu a une maison abandonnée, rien n’arrête notre petite meneuse au caractère bien trempée. Mais derrière cette insouciance exacerbée se cache une petite adulte qui tente de se préserver quand le jeu devient plus sordide.
Entre rires d’enfant et misère sociale, un homme tente néanmoins de rétablir l’équilibre. Cible préférée des mômes, Bobby, le gérant des lieux, développe des trésors de patience pour réparer un à un, les dégâts des enfants. Homme bon et généreux, il fait en sorte de protéger chacun de ses locataires. De lui on ne sait rien ou presque. Seule une scène avec son fils nous donnera quelques maigres indices sur sa vie passée. Véritable liant de cette communauté à la dérive, ce personnage incarné toute en retenue par Willem Dafoe insuffle l’essence même du film. Un positivisme à toute épreuve pour ne pas sombrer fatalement dans la misère.
Un parti pris qui résume parfaitement le style de Sean Baker, dont le talent une nouvelle fois confirmé, consiste à inonder de lumière, au propre comme au figuré, le meilleur de ses personnages. Comme dans son précédent film « Tangerine », le réalisateur s’attache avant tout à révéler les failles béantes de la société sous leur meilleur angle pour mieux les pointer du doigt. Une alchimie qui fonctionne en partie grâce à un casting méticuleux. Curieux et observateur, Sean Baker sait dénicher les perles rares lors des auditions, mais aussi sur les réseaux sociaux ou dans le supermarché au bout de la rue.
Effectivement, le film ne dégagerait pas une telle fascination sans la présence électrisante de la jeune Brooklynn Kimberly Prince. Une actrice née, révélée par un metteur en scène qui, à la manière d’un Truffaut avec Jean-Pierre Léaud, a su parfaitement canaliser l’incroyable énergie de sa jeune héroïne pour illuminer son film d’une impétueuse aura. On sort de "The Florida Project" ébloui, choqué, mais surtout définitivement charmé par ce metteur en scène qui, dès le début de sa carrière, a su imposer son style si singulier dans un registre pourtant très couru.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur