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LA FEMME QUI AIMAIT LES HOMMES

Un film de Hagar Ben-Asher

Faut pas nous prendre pour des truffes, oh !

Tamar vit dans la campagne israélienne où elle élève seule ses deux filles. Elle multiplie les relations avec des hommes du voisinage, assouvissant ses besoins sexuels. Ses fragiles habitudes sont bouleversées par l’arrivée de Shai, un séduisant vétérinaire qu’elle a connu il y a longtemps et qui revient dans la région suite à la mort de sa mère dont il vient vider la maison.

Commençons par deux bonnes nouvelles. Tout d’abord, il est toujours rassurant de constater que le cinéma israélien peut s’atteler à autre chose que la situation géopolitique du pays ou la judaïté des personnages (c’est plutôt rare parmi les films qui nous parviennent de ce pays). Ensuite, alors qu’on entend (ou lit) trop souvent que le thème de la sexualité est un outil de perversion masculine et/ou de machisme, il est toujours intéressant de voir une réalisatrice aborder le sujet (là aussi, c’est plutôt minoritaire même si des cinéastes comme Catherine Breillat s’en font une spécialité).

Maintenant la mauvaise nouvelle : c’est le genre de film dont on ne sait que penser ! Un de ces films qui laissent perplexe quant à leurs intentions ou leurs messages. Un film qui, même s’il dérange, paraît également vain, ennuyeux et inabouti. Partons donc des titres. Le titre français apparaît comme un trompe-l’œil : « La Femme qui aimait les hommes » est plutôt gentillet et fait irrémédiablement penser au titre miroir du film de François Truffaut avec Charles Denner (« L’Homme qui aimait les femmes »). Fausse piste, donc, car on n'est pas du tout dans le même registre. Le titre anglais (celui de la distribution internationale), « The Slut », apporte un aspect bien plus brutal et on hésite entre un jugement moralisateur ou, au contraire, la revendication d’un droit à la liberté sexuelle des femmes. Mais le titre original en hébreu (« הנותנת ») semble pouvoir être traduit par « elle donne » (si mes recherches sont bonnes), ce qui laisse encore une autre impression ! Difficile de s’y retrouver !

On est donc bien obligé de se fier à son ressenti personnel. Or, ce film plutôt taiseux, qui multiplie les ellipses et abuse de l’implicite (chose plutôt surprenante, d’ailleurs, à côté des quelques passages sexuellement explicites !), crée plutôt un malaise permanent qui permet au spectateur de ressentir les doutes et tiraillements du personnage tout comme le poids social qui pèse sur elle. Ce poids-là est plutôt une réussite du film : à travers les regards de biais des anciens amants mais aussi de ceux, à la fois interrogateurs et déroutés, de Shai et de l’aîné des filles, on perçoit la difficulté qu’il y a pour un individu (et a fortiori une femme, qui plus est une femme des campagnes) de vivre librement sa sexualité et de la concilier avec sa vie sociale et ses responsabilités (notamment celles d’une mère de famille). Le regard des gens, voilà ce qui semble le plus cruel dans ce film, et le personnage de Tamar ne paraît plus savoir comment se considérer elle-même.

Si ce constat (voire cette critique ?) est bien l’objectif de la réalisatrice, on pourrait dire que le film est plutôt réussi malgré la qualité pauvrette de l’image et l’ennui qui gagne fréquemment le spectateur (un côté répétitif, mais aussi des plans voire des scènes dont la présence est moins utile). Il reste aussi quelques beaux moments, que l’on doit notamment à l’aînée des gamines (rôle secondaire mais ô combien superbe) qui, manifestement heureuse de se trouver un père adoptif, se construit une complicité avec Shai (la plus belle – mais courte – scène du film : lorsqu’elle fait semblant de s’endormir sur l’épaule de Shai dans la voiture, avec un touchant jeu de regard).

Néanmoins, il faut bien avouer sans la dévoiler que la fin laisse un goût de gerbe amère (même si là encore on est dans le suggéré). Le choc est sans doute volontaire mais on est en droit de se dire que, d’une part ça n’apporte pas grand-chose d’intéressant à l'histoire et au propos du film, d’autre part ça ne paraît pas tout à fait logique en termes de psychologie des personnages (surtout pour Shai, dont rien ne permettait vraiment d’imaginer un tel comportement final). Bref, on se sent un peu escroqué par cette fin perturbante.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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