FEMME
Sleeping with the enemy
Après avoir fait son numéro dans un club, et alors qu’il est toujours en drag queen, Jules croise une bande de jeunes au supermarché. Insulté, il se permet de les rembarrer, avec un certain sens de la repartie. Mais une fois dehors, ceux-ci l’agressent, le tabassent et le désapent. Avec difficulté, il réussit à se traîner jusqu’à la boîte de nuit, où il sera alors secouru. Trois mois plus tard, au sauna, Jules décroise son principal agresseur, celui qui portait un hoodie jaune, qui ne le reconnaît pas. Il accepte alors de le suivre…
"Femme" est un film qui tient entièrement sur le principe du doute. Doute sur les intentions potentiellement vengeresses de Jules, drag queen à ses heures et homosexuel. Doute sur la possibilité que Preston ou l’un de ses potes ne le reconnaisse. Doute sur le fait que derrière chacune de leurs rencontres sexuelles, plutôt bestiales, puisse se développer un autre type de relation. Et le scénario démultiplie ainsi les situations dangereuses, qu’elles soient volontaires ou non, d’un ensemble de potes qui débarquent soudain alors qu’ils sont tous deux dans la chambre, à une main passée sur un entre jambe à une table de boîte de nuit...
Mais cela pose aussi les limites d’un scénario où la seule question qui demeure à mi parcours est de savoir à quel moment Preston comprendra qu’il a en face de lui sa victime. Heureusement la trajectoire du personnage de l’agresseur est intéressante, obligé de dévoiler des choses plus intimes de son passé ou en termes de pulsions. Si beaucoup d’éléments deviennent prévisibles, le film pose cependant avec intelligence un retournement dans la menace, visant alors l’agresseur. Il pose aussi la question de la nature de Jules, et de sa capacité à devenir lui aussi, bourreau.
Mais "Femme", au-delà d’une photographie intéressante, magnifiant notamment les personnages en boîte de nuit par des contre-jours calculés, et de quelques effets sonores au diapason des montées de stress des personnages, bénéficie de la prestation de deux acteurs, à la présence magnétique. George MacKay, acteur principal de "1917" de Sam Mendes, joue la nervosité permanente, capable d’une forme de complicité, mais toujours sur la défensive. Quant à Nathan Stewart-Jarrett (vu dans "Candyman" et "Vita and Virginia") il développe au fil de l’intrigue une ambiguïté intéressante. Tous deux portent ce film tendu avec brio.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur