LA FÉE
1h30 de bonheur
Dom, veilleur de nuit dans un hôtel du Havre, trouve l’amour en la personne de Fiona, qui se présente un soir à la réception en prétendant être une fée. Or leur idylle commence à peine que Fiona disparaît, emprisonnée dans une tour ressemblant étrangement à un hôpital psychiatrique…
Il n’est pas nécessaire de connaître le duo Dominique Abel / Fiona Gordon (unis à l’écran comme dans la vie) et leurs deux premiers longs métrages -« L’Iceberg » et « Rumba »- pour apprécier leur univers. Leur style burlesque, proche du cirque, peu bavard et très visuel, n’est pas sans rappeler le cinéma de Buster Keaton, Jacques Tati ou Aki Kaurismäki. En même temps, il souffle sur leur nouveau film un vent de nouveauté et d’originalité tout à fait réjouissant. Pas besoin d’être cinéphile, donc, pour se laisser charmer par les extravagances grisantes de « La Fée ».
Cette fée c’est Fiona, échappée d’un asile de fou. Sa douce fantaisie va devenir « normale » face à Dom, dont la morne existence ne demande qu’à s’exalter. De ces deux-là émane une osmose impressionnante, renforcée par leur talent à unir leurs corps : dans une danse acrobatique et langoureuse sur le toit d’un immeuble, dans une fuite à scooter où tous deux sont emmaillotés dans un seul manteau, ou encore lorsque la police tente de les séparer malgré leur étreinte passionnée (ils sont dans cette scène littéralement collés par la bouche…). Et bien que le burlesque soit omniprésent, le film atteint dans ces moments de véritables sommets de grâce et de poésie.
Faisant des rues désertes du Havre un décor enchanteur, qui repose sur des lieux-clés tout droit sortis d’un rêve (un hôtel vieillot avec vue sur la mer, une immense citerne à essence bleue comme le ciel), le trio Abel/Gordon/Romy -ce dernier interprétant le rôle d’un tavernier myope comme une taupe- délivre un véritable conte des temps modernes où règnent l’incongru et l’inexplicable, et où les histoires singulières croisent les réalités sociales (incarnées par un groupe de clandestins vraiment pas farouche). Le tout suit son petit rythme de croisière, auquel on pourra reprocher quelques longueurs, mais qui a le mérite d’installer à chaque minute un peu plus l’ambiance hors du temps du film.
Avec ses personnages gentiment dingues (le touriste anglais cleptomane), sa poignée de scènes hilarantes, sa mise en scène inventive et ses effets spéciaux délicieusement kitchs, « la Fée » nous conduit loin des sentiers battus du cinéma d’auteur. Et nous offre au passage un petit concentré de bonheur.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur