EYES OF WAR
Entre vie et mort
Cela fait presque deux ans que l'on attendait la sortie de ce second film du réalisateur du remarqué "No man's land" (prix du jury à Cannes), déjà en vidéo dans de nombreux pays. On comprend mieux pourquoi le film a mis tant de temps à parvenir jusque sur nos écrans. Car il y avait là tous les ingrédients d'un grand drame, personnel et psychologique, la guerre, la mort, la famille à venir, des choix impossibles, plus un casting conséquent, et Tanovic réussit à gâcher le tout, par excès de symbolisme, de faux suspense, brisant toute véritable émotion en voulant traiter de tous les sujets à la fois.
Car bien ennuyé serait celui qui chercherait à faire le tri. Certes "Eyes of war" traite de la difficulté d'être un survivant, mais la présence de l'improbable (et opportun) beau père, psychiatre espagnol renié par sa fille, ayant soigné les fascistes du franquisme, agace rapidement par ses élans paternalistes, son côté donneur de leçon et paternaliste. Sensé être le révélateur des pathologies psychosomatiques d'un Colin Farrell plutôt convaincant, il est interprété par Christopher Lee, aussi monolithique que son personnage est peu consistant. Quant au personnage principal, il est presque dommage, le symbolisme des tickets jaunes ou bleus, que le docteur remet à la va-vite aux blessés pour signifier leur vie ou leur mort, le suivra de manière inutile jusque sur le sommet d'un immeuble de sa ville.
On aura bien compris que c'est avant tout à lui de faire ce choix, entre la vie et la mort, entre le jaune et le bleu, mais les flash-back auraient largement suffit à cela, faisant revivre les terribles scènes du début, où chacun attend de connaître son sort, les tenants d'une couleur donnée étant exécutés d'une balle dans la tête, ceci pour leur épargner d'inutiles souffrances. Si "Eyes of war" pèche donc par excès de symboles, le film traite tout de même avec sensibilité de certains aspects de la guerre et Tanovic réussit tout de même à nous émouvoir avec quelques scènes qui se passent de commentaire. La plus belle, certainement, est celle où une femme montre au photographe un vieux cliché de son mari et de ses trois enfants, lui demandant de désigner, parmi un tas de crânes, ceux qu'elle doit emporter avec elle et chérir. Une scène magnifique, mais trop rare pour faire un film.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur