EVERYTHING WILL BE FINE
Un déroutant puzzle dans le cerveau dérangé d’un artiste
Falk est un réalisateur, obsédé par l’écriture de son nouveau scénario. D’ailleurs, sa femme aimerait qu’il se concentre plus sur la procédure d’adoption de leur futur enfant que sur son prochain projet cinématographique. Un soir, il percute en voiture un homme qui parait être un militaire. Craignant que cet incident ne compromette sa carrière ou son dossier d’adoption, Falk prend la fuite en récupérant, à la demande du mourant, un mystérieux sac contenant des preuves d’exactions commises sur des prisonniers afghans…
Déjà couronné d’une caméra d’Or à cannes pour son excellent "Reconstruction", Christoffer Boe nous revient, à la Quinzaine des réalisateurs, en mocassins verts, pour présenter son nouvel opus. Le film est à l’image de son affiche : il rend hommage au cinéma hitchcockien. Malgré de premières impressions trompeuses qui paraissent nous amener vers une œuvre sur les difficultés du processus de création, "Everything will be fine" se révèle finalement être un brillant thriller paranoïaque au sulfureux parfum de scandale politico-militaire.
Falk découvre des photos compromettantes prouvant les sévices perpétrés par l’armée danoise sur ses prisonniers en Afghanistan. S’évertuant à vouloir les faire éclater au grand jour, il en vient à soupçonner chaque personne qu’il rencontre de faire partie d'un complot du gouvernement visant à l’étouffer. Boe nous piège au sein de la psyché de ce personnage, torturé par ses suspicions. Ainsi, on en en vient à se demander s’il s’inquiète à tort ou à raison. Ceci provoque un délicieux questionnement dans l’esprit du spectateur qui cherche à démêler la réalité de la paranoïa.
Et pour accroître ces confusions, Boe choisi une valeur sûre : Jen Albinus ("Le direktor", "Dancer in the dark") qui parvient à insuffler à son personnage, a priori insignifiant, une folie qui va le rendre de plus en plus incontrôlable. On le sent perdre pied, et on pressent le drame pointer à grand pas. Autant dire que l’acteur porte une grande partie de la crédibilité du film et, en tant que personnage central, il efface hélas le reste du casting.
Ceci étant, le casting n'est qu'une infime petite pièce, certes maîtresse, de ce puzzle foisonnant. Car Christoffer Boe brouille les pistes, dissémine de subtils indices comme ce générique tout en maquettes ou ces plans de villes donnant une impression étrange de monde en miniature. Avec une intrigue à tiroir, entremêlant des thèmes aussi diverses que le processus de création artistique, une conspiration, la paternité, l’amour contrarié et le deuil, Boe démontre une maîtrise proche des premiers Nolan ("The following" ou "Memento"). Son montage déconstruit la chronologie avec des décalages temporels plutôt bien vus et qui ne manqueront pas de vous faire tourner la tête. Il faudra certainement s'y reprendre à deux fois pour percer tous les mystères de cet excellent thriller paranoïaque.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur