EUFORIA
Une œuvre troublante et déchirante
Matteo aime l’argent et surtout le montrer. Il passe son temps à faire la fête et à dépenser sans compter. Tout le contraire de son frère, Ettore, au revenu plus modeste et au caractère taciturne. Mais la maladie de ce dernier va venir chambouler leur relation…
Après le délicat et bouleversant "Miele", la comédienne Valeria Golino s’essaye à nouveau au périlleux exercice de la réalisation. Portrait intimiste et pudique de deux frères dont la communication n’est pas le point fort, la cinéaste continue d’explorer une voie singulière, où le manichéisme n’existe pas et où une gravité envoûtante côtoie des envolées légères euphorisantes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce film porte comme titre l’expression de ce sentiment, écho aussi bien aux excès des personnages qu’à cette agréable sensation éprouvée à plusieurs reprises par le spectateur.
La caméra suit Matteo et Ettore, deux frères qui ne semblent rien avoir en commun. Le premier est riche, aime exposer l’opulence dans laquelle il vit et multiplier les conquêtes. Le second est un professeur solitaire et taciturne, préférant les plaisirs simples de l’existence au faste d’une vie superficielle. Évidemment, la relation faite d’incompréhensions entre les deux hommes n’a jamais été facile, et le temps n’a fait que les éloigner, aussi bien géographiquement qu’humainement. Ironiquement, c’est la maladie d’Ettore qui va les rapprocher à nouveau, son frère décidant de l’accueillir chez lui. Pour la première fois, dans cette appartement moderne et impersonnel où les êtres défilent sans laisser de trace, le lieu semble enfin habité. Malgré l’ombre lointaine de la mort, c’est à une renaissance que va s’intéresser le métrage, celle d’une fratrie dont l’amour est criant malgré les faux pas.
Sobre et bouleversant, "Euforia" séduit grâce à son humanité sans artifice et sa sensibilité sans masque. Si ce portrait sensible captive autant, c’est également grâce à la prestation parfaite de Riccardo Scamarcio et du trop rare Valerio Mastandrea. Malgré quelques longueurs, le film construit une chronique familiale virevoltante où les maux sont bien plus profonds que les apparences. Plus que la peinture d’une fratrie conflictuelle, Valeria Golino capture des tourments, ceux d’un être ayant fui toute sa vie pour se complaire dans l’anecdotique et la frivolité, ceux d’un autre n’ayant jamais su s’ouvrir, par timidité mais aussi par peur du jugement. La maladie, elle, est bien là, en creux, dans les mots balbutiants d’Ettore, dans ses mensonges, mais la caméra préfère judicieusement se focaliser sur un autre élément : la relation pure et ambiguë entre les deux protagonistes. Poignant !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur"Euforia", présenté à Un certain regard à Cannes en 2018, est un énième film italien sur la famille, ses soudures et ses déchirures. A l’occasion de la maladie d’un des deux, qu’il cache à la famille, ce sont leurs différences qui vont s’estomper, au contact forcé l’un de l’autre. Pour son deuxième long métrage de réalisatrice, Valeria Golino ("Miele") s’intéresse à deux personnages que tout oppose : la sexualité, le mode de vie, le rapport à l’argent, l’exubérance ou au contraire l’introversion. Mais malgré l’implication de deux poids lourds de la jeune génération d’interprètes italien, Riccardo Scamarcio ("Romanzo criminale", "Le premier qui l'a dit", "Dalida") et Valerio Mastandrea ("Ciao Stefano", "La prima cosa bella"), le drame s’avère poussif et les deux portraits bien caricaturaux.
Entre les clichés sur le personnage gay, éternel célibataire, fêtard et cocaïné, et l’opposition évidente avec la dépression en bandoulière du frère, les dialogues ne font pas non plus dans la légèreté. Entre les dissertations sur « mettre ou se faire mettre » ou les réflexions sur la « besoin de se faire pardonner d’être gay », le drame se dessine de manière appuyée, n’évitant au final aucun pathos. Heureusement, Valeria Golino parvient à insuffler un peu de vie à cette histoire qui fait juste semblant de s’intéresser aux problèmes du moment (les réfugiés…), au travers de quelques scènes magiques, telle celle de nuit, en voiture, lorsque les doigts se touchent, ou lorsque les personnages imitent Laurel et Hardy. Cela ne sauve malheureusement pas le métrage.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur