ET PUIS NOUS DANSERONS
Un élan de liberté
Merab s’entraîne la journée dans le cadre de l’Ensemble National Géorgien, avec sa partenaire de danse depuis 10 ans, Mariam (Mary). Le soir, il travaille comme serveur dans un restaurant. Bosseur, il essuie pourtant les reproches de ses professeurs. Mais avec l’arrivée du charismatique Irakli, garçon souriant portant une boucle d’oreille, n’hésitant pas à lui donner des conseils, leur apparente rivalité va peu à peu se muer en une forme d’attirance…
Faisant se confronter deux visions de la danse, mais aussi de la vie, entre tradition derrière laquelle le puritanisme se réfugie et modernité synonyme d’une indépendance hors de tout contrôle, "Et puis nous danserons" fait d’une rencontre inattendue un signe d’espoir et de liberté. Découvert à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, ce film géorgien conte ainsi le rapprochement de deux danseurs cherchant tous deux à intégrer le ballet national de Géorgie, et dont l'entraide se transformera en un mélange de rivalité et d'attirance.
Mêlant rumeurs sur l'homosexualité d'un danseur titulaire, discours sur la virilité comme moteur de la danse, regard inquisiteur des garants de la tradition, le scénario fait peu à peu monter la pression sur les deux protagonistes. En effet, au travers d’allusions récurrentes, c’est le sort de ceux qui se laissent aller à leur inclinaison, qui est indirectement évoqué (envoi au monastère, violences, exil…). L'acteur principal, Levan Gelbakhiani, est pour beaucoup dans la réussite du film, portant sur son visage à la fois les lueurs d'espoir et la culpabilité que la perspective d'une autre vie lui apporte, ceci malgré la tradition dont le poids se fait sentir sur tous ses proches.
Dynamique dans les moments de danse, Levan Akin filmant au plus près les gestes qui traduisent une angoisse liée au métier de ses personnages, comme à leurs sentiments naissants, le film porte une certaine idée de l'émancipation. Une émancipation qui se ressent y compris dans le traitement de la lumière et des décors, depuis les salles de répétition immaculées, jusqu'aux boîtes de nuits aux lumières chaleureuses. Indéniablement sensuel, "Et puis nous danserons" fait preuve de quelques belles fulgurances et vous emporte dans les hésitations personnelles et professionnelles de deux acteurs magnétiques, comme dans les contraintes sociétales subies par d’autres personnages (le frère de Merab notamment).
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur