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ESCOBAR

Une approche totalement gâchée par l’option anglophone

Suite à une interview sur les maisons que Pablo Escobar, chef du futur cartel de Medellin, et criminel le plus riche de l’Histoire, fait construire pour les enfants défavorisés, la célèbre journaliste colombienne Virginia Vallejo, entame une relation avec ce dernier. Mais le mélange entre sentiments, pouvoir, et argent va s’avérer bien dangereux…

Découvert hors compétition au Festival de Venise 2017, et passé également par San Sebastian et Toronto, du fait de son casting prestigieux, en tête duquel figurent Penélope Cruz et Javier Bardem, "Escobar" s’il s’avère une œuvre ambitieuse sur fond, s’avère tout de même une profonde déception. La faute à un choix de production visant initialement à élargir l’audience du film, le fait qu’il soit tourné en anglais avec deux protagonistes pourtant interprétés par deux acteurs espagnols, rendant de nombreuses scènes risibles tant les Javier et Penélope forcent leur accent natif tout au long du film. Le duo, déjà réuni dans "Jambon, Jambon" de Bigas Luna, "En chair et en os" de Pedro Almodovar, mais aussi "Vicky Cristina Barcelona" de Woody Allen, dégageait pourtant forcément une trouble complicité, parfaitement adaptée à cette histoire aux multiples facettes.

Le film s’ouvre intelligemment sur une scène d’interrogation par le FBI, alliant une plaisanterie autour de l’aspirine et de la drogue, permettant d’introduire le personnage et de partir sur une série de flash-back décrivant ainsi avec des yeux extérieurs celui qui sera réellement central : Pablo Escobar. Et il est vrai que le scénario, adapté du livre de la vraie journaliste par Fernando Leon de Aranoa (auteur des formidables "Les lundis au soleil" et "Amador", nous en apprend beaucoup sur cet homme ambigu, intéressé et violent, depuis ses aspirations à une respectabilité, ses velléités contrariées de carrière politique, ou les nombreux assassinats souvent imaginatifs dont il fut le commanditaire (opposants, juges, ministre de la justice…).

Mais cette plongée dans un monde codifié, aux nombreuses strates hiérarchiques (les soldats, la crème, les rois) et aux scènes de violence ponctuelles, montrant l’inventivité sordide des meurtres, s’avère à la fois complexe et laborieuse dans son déroulement, menant à l’arrestation du mafieux devenu homme d’affaire. Loin de finesses scénaristiques de ses précédent longs, Fernando Leon de Aranoa donne dans la grande fresque, et ne parvient qu’à intriguer, la dramaturgie étant noyée dans le ridicule linguistique de l’opération. A la fin, comme pour cette femme qui aimait « le jeune Pablo » et détestait « Escobar », il ne reste plus de la déception.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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