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L'ESCALE

Un film de Kaveh Bakhtiari

Le Rêve européen

Un cinéaste iranien se rend dans un squat d’Athènes afin d’observer, pendant plusieurs mois, un groupe de compatriotes clandestins en attente d’être transférés illégalement en France. Parmi eux se trouve son propre cousin, un boute-en-train aussi optimiste que bienveillant envers ses camarades de galère…

Pour son premier long-métrage, le jeune Kaveh Bakhtiari livre un documentaire à la fois instructif et édifiant. En immersion totale au sein d’une communauté d’hommes iraniens courageux, qui ont fait le choix radical de mettre leur vie et leur liberté en danger pour prétendre à une existence meilleure, il lève le voile sur un aspect méconnu de l’histoire contemporaine des flux migratoires : le choix de la Grèce comme zone de transit vers les pays riches européens. Il nous donne aussi à voir un quotidien peu enviable, où la peur d’être arrêté lors d’un transfert périlleux se mêle à l’attente à la fois excitante et anxiogène d’une opportunité. Le tout sans jamais tomber dans la sensiblerie.

Filmant ce petit monde caméra à l’épaule et réduisant sa présence à un simple propos introductif en voix-off, le cinéaste adopte une posture d’observation. Il s’intéresse davantage à la personnalité de ses sujets et à leur vie en communauté qu’au phénomène politique et sociétal qui les a engendrés, ce qui rend l’ensemble à la fois curieux et facile d’accès. On se surprend ainsi à s’attacher aux personnages, qui ne manquent pas d’humour en dépit des circonstances et révèlent chacun leur petit caractère. On est aussi touché par les liens qui se créent entre ces hommes si vulnérables et pourtant si déterminés, capables de se chamailler comme des gosses avant de se réconcilier à coup d’embrassades et de grandes déclarations d’amitié.

Si "L’Escale" ne séduit pas par sa mise en scène, qui pêche par son style rudimentaire un peu old school et peut de prime abord rebuter, il marque par la proximité qu’il installe presque miraculeusement entre les personnages et le spectateur. Qu’il s’agisse de l’angoisse qui nous assaille lorsque le plus jeune des réfugiés, enfin appelé à passer la frontière, fait ses adieux au groupe qui l’a adopté, de la souffrance que l’on perçoit lorsque l’un des plus anciens, gentil fan d’arts martiaux, s’engage dans une terrifiante grève de la faim pour revendiquer son droit à obtenir des papiers, ou du stress qui se fait sentir lorsque nos hommes, terrassés de rires nerveux, tentent de coller des lentilles de contact sur les yeux de leur camarade afin qu’il ressemble à la photo de ses faux papiers, la palette d’émotions est variée et l’empathie pour les personnages assurée.

Un docu vibrant, donc, dans lequel l’humanité pointe régulièrement son nez, et qui pourrait bien vous prendre au dépourvu.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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