L'ENQUÊTE
Honnête et efficace mais trop bourratif pour happer le spectateur
L’affaire Clearstream a défrayé la chronique, mais peu connaissent Denis Robert, l’homme derrière toutes les révélations. Son acharnement a permis de faire éclater au grand jour le fonctionnement très opaque de l’établissement financier Clearstream. Dans sa lutte, il va être rejoint par le juge Renaud Van Ruymbeke. Ensemble, ils vont plonger dans les rouages d’un scandale politico-financier…
L’affaire Clearstream, tout le monde en a entendu parler, mais peu arrivent à la comprendre. Il faut dire que le fonctionnement complexe et opaque de la société bancaire Clearstream est difficile à appréhender, tout comme le scandale politico-financier qui en a découlé. Derrière ces révélations, se cache un homme : Denis Robert, dont l’acharnement a permis de révéler ce système de magouilles organisées à grande échelle. Essayer de déblayer cette épineuse affaire juridique s’avère une mission presque impossible tant les ramifications et les personnes impliquées sont nombreuses. Pourtant, Vincent Garenq n’a pas hésité à se lancer dans cette périlleuse entreprise. Réalisateur de l’efficace « Présumé Coupable » sur l’affaire d’Outreau, il apparaissait en effet comme l’un des mieux placés pour mettre en boîte ce film.
Le résultat s'avère bancal, mais pouvait-il en être autrement ? Comment condenser une telle affaire en deux heures sans faire des écueils et des raccourcis ? Avec sa tension permanente et son suspense haletant, « L’enquête » lorgne du côté des thrillers américains d’investigation, mêlant parfaitement l’espionnage à l’action. Les rebondissements sont légions, le scénario ultra-documenté et les acteurs tous convaincants. Pourtant, malgré la volonté didactique des auteurs, le film ne parvient jamais véritablement à effacer son caractère indigeste, étouffant les spectateurs au lieu des les accompagner. Et là demeure le problème du métrage : rien n’invite le spectateur à ressentir de l’empathie pour ces héros des temps modernes, un constat renforcé par une mise en scène monotone et monochrome.
Drame psychologique et familial autant que sombre polar, le métrage mêle habilement le brin de modernité qu’il souhaite insuffler au récit et le savoir-faire de ses prédécesseurs dont il cherche à s’inspirer. Si le film demeure passionnant, ce n’est toutefois pas grâce au cinéaste, mais bien grâce à l’incroyable travail de documentation effectué. Car en nous offrant cet aperçu vertigineux de ce feuilleton politico-financier extraordinaire, « L’enquête » ramène l’incroyable à hauteur d’homme, dans des repas de famille ou des tête-à-tête virils. Efficace et fascinant, il manque une certaine rage pour transcender ce thriller procédurier en une puissante chronique judiciaire, de celles qui prennent aux tripes…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur