ENNIO
La mission du maestro
Il rêvait de devenir médecin, il deviendra finalement le plus grand compositeur de musiques de films du 20ème siècle. Du conservatoire de musique jusqu’à l’Oscar du meilleur compositeur, retour sur le parcours incroyable du grand Ennio Morricone…
Le plus grand compositeur de musique de film de tous les temps méritait un docu à sa gloire. C’est fait, il l'a, et c’est à un grand cinéphile – le réalisateur de "Cinema Paradiso" – qu’on le doit. Dire que l’on en ressort avec l’envie irrésistible de saisir un bloc-notes pour y noter tous les films que l’on souhaite (re)voir est un sacré euphémisme, car, bien au-delà d’un artiste au crépuscule de sa vie qui se livre comme jamais il ne l’avait fait auparavant, c’est à un voyage au cœur même de notre art préféré qu’"Ennio" nous convie. On pouvait avoir quelques appréhensions légitimes, craignant une hagiographie filmée qui bannirait toute nuance au profit de la révérence ou encore un cinéaste qui se concentrerait un peu trop sur sa collaboration personnelle avec le maestro. Deux craintes qui fondent comme neige au soleil, la personnalité sévère et intransigeante de Morricone n’étant ici jamais esquivée (et c’est lui-même qui s’en charge !), et les nombreux invités interviewés monopolisant le cadre a contrario d’un Tornatore qui s’efface le plus possible derrière son sujet. Le résultat, qui alterne brillamment les interviews (dont celle de Morricone) et les extraits de films, a valeur de cadeau.
Sur ces 2h40 dont on regretterait presque qu’elles ne fassent pas le double (on rêve déjà d’une version longue), Tornatore brasse ainsi mille témoignages sur une vie drivée par une expérimentation artistique hors du commun et un acte de création en perpétuelle redéfinition. Sur une carrière unique en son genre ayant évolué du métier de trompettiste de jazz jusqu’à celui de géant musical ayant mixé tant de références culturelles et musicales, rien n’est ainsi esquivé. Notons que la longue collaboration avec Sergio Leone et l’impact généré par certaines BO inoubliables (en particulier celle de "Mission", que l’auteur de ces lignes considère comme la plus belle de l’Histoire du 7ème Art) s’offrent ici un décryptage analytique des plus assidus, le film s’efforçant de creuser toujours plus loin dans un travail créatif au lieu de s’en tenir à une célébration stricto sensu. On en ressort ainsi avec un éventail de connaissances quasi encyclopédique sur le travail du compositeur – de quoi ravir tous les débutants en quête de repères. Face à un artiste qui aura fait le choix de la discrétion humble et qui aura laissé ses partitions exprimer tout ce que sa parole aurait été incapable de résumer, tout spectateur normalement constitué ne pourra rien faire d’autre que de rendre les armes et de laisser les pleins pouvoirs à sa fibre émotionnelle. Des frissons et des larmes pour le cinéphile. Pour tous les autres aussi.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur