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EN TERRAINS CONNUS

Un film de Stéphane Lafleur

En attendant la tempête

Deux Québécois, un frère et une sœur, se retrouvent pour faire un voyage ensemble suite à un étrange événement : l’apparition d’un homme soi-disant venu d’un futur proche pour leur annoncer un accident…

Le film canadien « En terrains connus », découvert au Festival de Berlin en 2010, met en parallèle deux malheurs sur fond d'hiver enneigé. D'un côté, il y a celui d'un frère, considéré comme un incapable par son père, sorte de Droopy mal fagoté, qui essuie échec sur échec, côté recherche d'emplois, côté pratique (il est incapable de faire redémarrer le motoneige familial qui lui est confisqué...) et côté relations amoureuses. Enlisé dans une histoire sans lendemain avec une mère célibataire dont le fils le méprise ouvertement, il apparaît à la fois comme puéril et comme fatalement condamné à l'humiliation, en public comme en privé. De l'autre, il y a les déboires de sa sœur, coincée dans le quotidien ennuyeux de sa relation de couple, face à un mari qui n'a envie de rien, même s'il entretient savamment son image d'homme dynamique, à coups de pédales sur un ringard vélo d'appartement.

Il n'est donc pas étonnant que la rage que développe progressivement le premier ne trouve pas matière à communication avec la morosité de la seconde. Celle-ci regarde avec absence son mari engoncé dans ses tenues de gym moulantes et rêve à autre chose. Elle focalise soudain son rejet sur un tractopelle que le couple n'arrive pas à vendre, devenu le symbole d'un changement possible ou d'un renouveau qui ne viendra jamais. Son frère, lui, profiterait bien du voyage que sa sœur doit entreprendre pour récupérer une remorque, pour que l'accident annoncé lui évite d'avoir à prendre la responsabilité d'un suicide. Mais bien entendu, leur périple commun ne se passera pas comme prévu.

« En terrains connus » s'offre une longue mise en place nécessaire à l'exposition de ces deux personnages, dont le quotidien est embourbé à l'image de leur ville, ensevelie sous la neige. Le froid est partout, engourdissant même le rythme du récit, et la neige fait partie d'un décor fait de quatre-quatre, de tractopelles, de motoneiges et de toutes sortes d'instruments (pelles...). Mais il s'avère à la fois une parabole saisissante tout comme une source d'un humour pince sans rire. La sœur, traumatisée par un accident qui a eu lieu dans l'usine où elle travaille, se met à « essayer » des glacières pour voir si son bras y tiendrait en place... au cas où il faudrait le recoudre. Le frère, incapable de couper du bois, met une branche toute entière dans le feu, la laissant dépasser avec ses ramifications, sur près de la moitié de la pièce.

Installant petit à petit son originalité de ton, le scénario prend un virage inattendu avec l'arrivée de l'homme du futur et la prophétie qu'il apporte. Et nos deux compères de partir ensemble en voiture, profitant de l’occasion pour se retrouver et régler leurs différends. Tout cela donne un film exigeant, qui se savoure sur la longueur et dont la torpeur ambiante force à l'adhésion. Un petit détail tout de même, si cela peut surprendre au premier abord, les sous-titres en français sont loin d'être inutiles. Car sans eux la vision du film nécessiterait d'être familier avec les expressions et insultes typiquement québécoises, qui sont ici légions.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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