EN EAUX TROUBLES
Tant va le Meg à l'eau qu'à la fin il nous les casse
Depuis une plateforme aménagée en laboratoire dans l’océan Pacifique, des scientifiques découvrent qu’un nuage de sulfure d’hydrogène donne l’illusion de faux fonds marins et dissimule des zones encore plus profondes. Au moment d’explorer ces abîmes, ils sont attaqués par un mégalodon, un immense requin préhistorique officiellement disparu…
La première séquence nous plonge (c'est le cas de le dire) directement dans le vif du sujet, histoire de présenter le héros dans les grandes lignes, sans faire dans la dentelle. Et ce héros n’est pas incarné par n’importe qui : Jason Statham est un habitué des rôles musclés aptes à se sortir des situations les plus improbables ("Le Transporteur", "The Expendables", "Fast and Furious", excusez du peu) et, cerise sur le gâteau, le gars a de l’expérience dans l’eau, puisqu’avant sa carrière cinématographique, il a été membre de l’équipe britannique de plongeon (OK, pas de plongée, mais c’est déjà de bonnes prédispositions). Lorsque le récit principal commence après un saut dans le temps, ce héros n'est pourtant plus là. Pas besoin d’un gros QI pour deviner qu’une catastrophe se profile et qu’il sera le sauveur. Bref, on sait déjà qu'il n'est pas question d'attendre beaucoup de subtilité.
Au début, c’est tout de même assez plaisant, avec un léger côté "Abyss" et cette impression que Jon Turteltaub filme l'exploration des fonds marins comme un voyage spatial, ce qui semble rendre hommage à la fois aux mystères de la nature et aux scientifiques présentés comme de vrais aventuriers. On se croirait presque chez Jules Verne et on se prend à rêver d’un film plus salé que mielleux.
Malheureusement on déchante assez rapidement. Plus le film avance, plus on sombre dans la niaise série Z pleine de clichés et d'incohérences. Un exemple : le mégalodon paraît capable de détruire n'importe quel bateau sans délai, mais celui des personnages lui résiste sans raison, permettant aux individus concernés d’échapper au prédateur. Pire encore : on est régulièrement à la limite du sexisme (avec ce sournois sexisme bienveillant qui voudrait que le mâle soit là pour protéger la femelle et qu’il la surpasse donc pour la bonne cause !) et du racisme (surtout ce pauvre Page Kennedy héritant du clown black de service, qu’il est bon de ridiculiser régulièrement !). Ajoutons à cela une mièvre love story à laquelle on a du mal à croire, gamine entremetteuse en prime (gloups).
Au final, les scènes, presque toutes prévisibles, se suivent et se ressemblent, provoquant une vraie lassitude qui nous fait lâcher de gros soupirs. "En eaux troubles" ne parvient donc pas à renouveler le genre et le manque d'inventivité devient encore plus flagrant quand arrive la séquence de la plage thaïlandaise : sous des dehors d'hommage aux "Dents de la mer", le film de Turtelbaub se noie dans un copié-collé ridicule. Le tout est assorti d'une utilisation ahurissante d'un Yorkshire donnant lieu à l'un des plans les plus ineptes du film, quand Statham regarde lourdement le chien alors que son personnage n'a aucune raison de s'y intéresser. Le summum du lourdingue étant alors atteint, le long métrage peut enfin se clore quelques minutes plus tard. Ouf !
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur