EN ATTENDANT LA NUIT
Un vampire sans mordant
Philémon a autre chose de particulier que son prénom : il ne peut se nourrir que de sang humain. Accepté par les membres de sa famille depuis sa naissance, ils se sont adaptés ensemble afin qu’il puisse vivre avec eux, tout en restant discret. Cette discrétion est mise à mal par leur arrivée dans un lotissement pavillonnaire très ensoleillé et peuplé de voisins au train-train bien rôdé…
Cette année le Festival de Gérardmer mettait à l’honneur les films de vampires. Et l’on retrouvait dans la sélection différentes propositions comme "Vampire humaniste cherche suicidaire consentant" d’Ariane Louis-Seize, "La Morsure" de Romain de Saint-Blanquat, ou "En attendant la nuit". Évidemment la difficulté consiste à raconter une histoire différente dans un genre déjà tellement essoré qu’il en devient accessoire par moment.
Ici le film s’ouvre sur une scène puissante, une déclaration même : une femme vient d’accoucher et doit donner le sein à son nourrisson. Elle n’y arrive pas, car celui-ci lui fait mal, et le médecin dans son empathie toute masculine lui dit qu’il faut juste se forcer, ce qu’elle fait. Le nourrisson la mord au sang, et le générique démarre. En 5 minutes, Céline Rouzet a réussi à nous donner du politique, de l’intime et du sang, Quel beau démarrage ! Mais « spoiler alerte », il est dommage que le soufflé retombe après.
Pourtant les acteurs qui forment la famille autour de Philémon, tout comme Philémon lui-même, incarné par Mathias Legout Hammond, incarnent avec justesse cette dynamique délicate qui s'articule autour de la sempiternelle question : jusqu'où peut-on aller par amour pour un membre de sa famille ? La première partie du film nous plante un décor poétique et intrigant : la caméra très naturaliste nous montre un été beau et chaud, où le temps semble s’écouler paisiblement. Les voisins et les ados du lotissement vivent dehors et fenêtres ouvertes, alors que notre famille de nouveaux arrivants vit rideaux fermés et que leur fils de 17 ans court entre les zones d’ombres s’il décide de se balader en pleine journée. Le film illustre par moments les difficultés d’intégration et la condescendance de l’entre-soi (un barbecue de bienvenue va vous faire grincer des dents et rigoler tout en espérant ne jamais devenir ces personnes-là).
Puis les vrais « ennuis » commencent : notre protagoniste tombe amoureux d’une de ses voisines et regrette de plus en plus sa condition, car il ne peut pas suivre la bande de potes de cette dernière en plein cagnard tous les jours. On traverse les métaphores vampiriques : de l’éveil à la vie sexuelle à la crise identitaire de l’adolescence, au rejet des parents, en passant par la solitude immense de cette période. Cependant, le film nous laisse à côté, on le regarde passer au lieu de le vivre, et notre manque d’implication n’est pas aidé par des imageries rabâchées (pour toute personne ayant vu "Twilight" - désolée mais c’est un fait même si ce n’est pas un gage de bon goût - voir des vampires courir dans les bois, c’est non, c’est déjà trop vu). En résumé, si l’on doit revenir à cette puissante ouverture de film, il a manqué de l’endurance à l’écriture pour nous emmener au bout de ce récit initiatique. On n’est pas mordus pour cette fois.
Océane CachatEnvoyer un message au rédacteur